Ramy ou la constante faillibilité de l’humain

Photo du casting principal de la série. Source : Google Images

Créée et produite par le comédien américain Ramy Youssef, Ramy apparaît sur les petits écrans en avril 2019. La série se veut une « autobigiographie » du comédien où on le suit vivre sa vie d’adulte au près de ses parents immigrés d’Égypte et Palestine, sa petite soeur et ses amis, entre le New Jersey et New York. Venant de terminer la 3ème saison, je dois avouer que cette dernière m’a fortement inspiré et questionné et j’aimerais dans cet article revenir sur des points essentiels que la série met en avant et qui je pense, transparaissent aussi dans la vraie vie de beaucoup de personnes.

La complexité d’être immigré et enfant d’immigrés

La première saison de Ramy m’avait emballé et chamboulé car j’avais rarement vu ce genre d’histoires retranscrites à la télévision. Par le prisme de l’humour (parfois très cynique et noir il faut l’avouer), la série remet en cause ou tient à questionner les normes et valeurs de nos parents et aïeux. Les parents de Ramy ont réussi à se construire une vie en Amérique tout en préservant leurs cultures d’origines avec honneur et fierté. Cet héritage culturel a néanmoins certaines limites et la série le prouve. Et si vous qui lisez cet article et avez des origines extra-françaises, en savez quelque chose. Heureusement, l’Égypte n’a rien à voir avec les États-Unis et Ramy démontre le dédoublement identitaire avec lequel beaucoup d’immigrés et enfants d’immigrés doivent vivre. Dans la série, on entrevoit le poids de la pression familiale, la jonglerie linguistique (et impressionnante) entre l’arabe et l’anglais et du français, l’envie de ne pas décevoir les parents et les familles restés aux pays. Mais on observe aussi cette volonté de conjuguer les cultures surtout au travers des personnages de Ramy et sa sœur, Dena. Quand c’est dur on remet l’Amérique en question et on a le mal du pays et quand ça va un peu mieux, on l’embrasse et on se sent à notre place. Ce questionnement perpétuel quant à son identité culturelle est ressentie par des millions de personnes au quotidien et on peut s’imaginer que plus les générations vivent et meurent dans ses pays d’accueil et plus facile sera l’adaptation au fil des décennies mais c’est parfois tout le contraire. Ramy met en avant ce paradoxe tangible d’être immigré aux États-Unis Unis ou partout dans le monde, les limites et les stéréotypes auxquels font face les personnes « d’origines » et ici, arabes. Du travail aux soirées en passant par la thérapie, même si les traits sont grossis, certaines paroles sont plus que réalistes. Et comme vous pouvez l’imaginer au vu de ces 40 dernières années voire siècles (car l’Orientalisme ne date pas d’hier), les stéréotypes ne s’arrêtent pas qu’aux origines…

L’Islam : le moteur de la série

La religion et notamment l’Islam sont au centre de la série et font avancer l’écriture des personnages. Parfois des freins et à d’autres moments de véritables accélérateurs, la série se veut avant tout « critique » de certains dogmes ou requis en Islam. C’est sûrement au travers de la religion que l’on entrevoit une grande partie de l’esprit et de la personnalité de Ramy mais pas que. Au fil de l’avancement de la série, on s’aperçoit que Ramy et l’Islam se cherchent, se réconcilient puis se disputent à nouveau, sans réellement trouver de terrain d’entente. Et cette dualité est finalement observable chez tous les personnages. Ramy totalement absorbé par ce mal-être, ce sentiment étrange qui l’accompagne qu’il essaie de concilier et amoindrir avec la spiritualité par crainte mais aussi espoir de mieux se comprendre, pour au final repartir à la case départ en blessant des personnes au passage.

Deena Hassan jouée par May el Calamawy

Ses parents aussi sont aspirés par ce brouillard spirituel mais surtout la sœur de Ramy, Dena, qui semble représenter et incarner la vie de beaucoup de filles arabes, maghrébines ou tout simplement musulmanes sans origines précises. La série appuie sur la pression féminine sur les femmes en Islam ou dans les cultures du « monde arabe » : entre avoir une carrière exemplaire, porter le poids de l’honneur de la famille, voir sa sexualité et vie amoureuse exposées et être sujets de débats, les femmes de la série jouent et incarnent parfaitement cette envie d’être elles-mêmes en affirmant leurs personnalités et désirs tout en voulant respecter leur croyance et les préceptes culturels. Les hommes ne sont pas épargnés mais la différence de traitement entre Ramy et Dena est plus que brutale. Cette dynamique n’est pas aussi propre qu’à l’Islam voire même qu’aux religions monothéistes mais relèvent aussi d’un patriarcat mondialement installé. La série joue à la perfection sur les maux existentiels de ses personnages entre pratiquer une religion déjà peu appréciée et respectée dans leur pays et se définir en tant qu’individus faillibles et imparfaits. Mais surtout, la série met implicitement le doigt sur un aspect que j’affectionne.

La psychologie : un élément clé mais sous jacent

Enfin, Ramy c’est au fil des saisons des personnages qui se découvrent de plus en plus, qui apprennent d’eux-mêmes et de leurs erreurs au cours d’évènements parfois traumatiques. Et c’est indéniablement un attrait universel de la série surtout au vu de l’époque à laquelle on vit. La remise en question continuelle, parfois quotidienne pour les plus sensibles et penseurs, cette sensation que nous passons à côté de quelque chose d’inquantifiable et palpable, cette envie de tout envoyer foutre en tant qu’éternels insatisfaits, la peur d’être nous-mêmes ou de ne pas se trouver ou se faire comprendre. La dernière saison de la série est un méli mélo philosophique et psychologique, qui fait parfois mal mais qui m’a franchement fait du bien. Car on ne montre pas des personnages qui arrivent à trouver des solutions et dont le développement s’arrête brusquement, mais des personnages en continuelle croissance, qui essaient, encore et encore, parfois de façon illégale, immorale, honteuse ou ridicule de se construire et donner du sens à leurs vies. Leurs existences sont à l’image de la vie humaine : des montagnes russes. Mais seul un personnage touche de près à la psychologie : celui de Dena. Ramy n’y a jamais songé, sans compter ses parents pour qui la thérapie est inconcevable ce qui est sans rappeler les a priori surtout culturels qui diabolisent la thérapie au sein des sociétés arabes ou noires africaines. Car il semble manquer une aide externe à ces personnages qui s’accrochent autant que possible à leur croyance ou leur sentiment d’appartenance ethnique : cette aide émotionnelle et psychologique. La saison 3 a frôlé de près le monde thérapeutique et je suis déjà excitée de voir la saison 4 car les personnages s’éveillent, tiennent à guérir et surtout Ramy et Dena, les plus jeunes.

Ramy tient à relier des mondes qui cohabitent permanemment les uns à côté des autres. Et tend à nous rappeler que rien n’est vraiment sûr et acquis. C’est une production naturelle dans ses approches de décrire le réel et de raconter une histoire. Elle est dans l’ère du temps, moderne tout en faisant des clins d’oeil au passé pour mieux se comprendre aujourd’hui. C’est l’une des séries les moins « fantastiques »(science-fiction ou surnaturelle) que j’ai pu voir ces dernières années, qui m’a fortement marquée et qui pourrait parler à tellement de personnes.

Vous pouvez retrouver Ramy sur Amazon Prime Video, via la chaîne Starz.

J’espère que cet article vous a plu et on se retrouve bientôt pour une nouvelle analyse !

Vous pouvez suivre le blog sur Instagram : @pointzeroworld – POINT ZERO WORLD

2 commentaires sur “Ramy ou la constante faillibilité de l’humain

  1. Super analyse qui résume très bien ce que la série tente d’exposer !
    En tant que musulmane française je me retrouve beaucoup dans cette série et voit abordées des questions que je me pose très souvent.

    Aimé par 1 personne

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