Ce que le succès de la série « you » dit de notre société

Source : Google Images

La série You adaptée du livre éponyme de Caroline Kepnes, est depuis 2018, une production phare de Netflix. La série s’est confortablement installée sur nos écrans et dans nos esprits. Produite par l’américain Greg Berlanti (Sabrina l’apprentie Sorcière ou encore Arrow), la série qui en est maintenant à sa troisième saison va de plus en plus loin dans le thriller psychologique. Mettant dans la première saison en avant Joe, un jeune libraire new-yorkais, objectivement instable sur le plan psychologique, harcelant et tuant les femmes dont il s’entiche. J’ai trouvé la saison 3 assez troublante et j’aimerais revenir dessus pour comprendre personnellement comment j’en suis arrivée à regarder trois saisons entières.

Le personnage de joe : OU COMMENT LE PHYSIQUE camoufle LE DANGER

L’acteur Penn Badgley dans le rôle de Joe. Source : Google Images

Joe, joué par l’acteur américain Penn Badgley qui est apparemment habitué aux rôles de personnes « déséquilibrées » (c.f série Gossip Girl), est l’archétype du parfait jeune homme dans sa vingtaine. Timide, « beau » et discret, Joe ne semble pas représenter un danger aux premiers abords. L’énorme attrait pour son personnage sur les réseaux sociaux notamment après les débuts de la série n’est pas à prendre à la légère. L’acteur Penn Badgley s’était d’ailleurs exprimé à la sortie de la série auprès des fans pour freiner la « glamourisation » et « sexualisation » de Joe, en rappelant que c’était un dangereux criminel avant tout.

Cet attrait rappelle surtout la place de certains grands et dangereux criminels dans la culture populaire. On peut nommer le tueur en série américain Ted Bundy, qui avait réussi à « charmer » et/ou mettre sous emprise des dizaines de femmes, victimes de son influence, même après avoir été emprisonné. Le criminel avait d’ailleurs eu droit à un biopic Netflix, où encore une fois à sa sortie, le choix de l’acteur pour interpréter le célèbre criminel, Zac Efron, avait été décrié, considéré comme très beau, ce qui masquerait la réelle dangerosité du criminel. Reste, que la ressemblance entre les deux hommes est tout de même indéniable.

Zac Efron à gauche et Ted Bundy à droite. Source : Google Images

Même si les cas et les époques sont différents, il fut incroyable de voir que You marche autant en 2021, des décennies après l’analyse de cas criminels et psychologiques explorés dans les médias et dans les sciences sociales. L’intérêt généralisé pour You démontre peut-être un « affaiblissement » de sensibilité générale dans nos sociétés et notre quotidien. Ou tout simplement, un intérêt de plus en plus accru pour les faits divers et les personnages sociologiquement, extrêmement déviants. Cette démocratisation et recrudescence de la violence télévisuelle, cinématographique ou même virtuelle, des plateformes numériques aux séries, a peut être une signification plus profonde : une chute du lien social ou une volonté de s’extraire de la réalité, en passant par le prisme de la violence pour l’affronter de plus près. J’ai personnellement été frappée par « l’absurde » ou la virulence de You après le premier épisode de la saison 3.

Le fait de voir un couple de « sociopathes » ou « psychopathes » et parents (une chose est sûre c’est qu’ils sont extrêmement narcissiques pour ôter la vie d’autres humains) m’a plus qu’interpellée, quant à mon rôle en tant que spectatrice de la série. Il est clair que Joe et Love ont besoin d’aide et survivent malgré leurs envies en société. Mais comment pouvais-je être à l’aise face à ces crimes répétés que la série essaie de nous justifier, en nous faisant comprendre le passif traumatique de Joe ou Love (anciennement sa femme). Allant plus loin que la fiction, You et son succès peuvent interpeller quant à nos fantasmes ou incompréhensions face aux crimes et personnes capables de tels actes. Car une chose est sûre, la série ne tente pas d’intellectualiser ou sensibiliser les agissements de Joe ou Love. On rentre dans le pathos, dans le sentiment et la compassion afin de justifier leurs actes. Le summum de la saison 3 reste la thérapie de couple, se moquant de près ou de loin de la profession de thérapeute ou psychologue, avec deux personnes instables arrivant à camoufler leur nature et à soutirer les bienfaits d’un suivi thérapeutique. Peut-être que le but de la série est aussi d’humaniser ces personnes commettant ces actes, sûrement plus nombreuses qu’on ne le croit et plus proches de nous qu’on ne le pense.

UN DISTINGUO INTERÉSSANT : DEXTER/YOU

Je tiens dans une deuxième partie à faire une comparaison peut être fondamentalement mal venue ou illogique. En commençant You, je ne pouvais qu’à l’époque penser à cette série annexe et précurseure: Dexter. Ayant regardé la série au collège et au lycée (j’étais sûrement bien trop jeune, j’en ai conscience), je suis tout de même plus effrayée par You que Dexter. Pour remettre les choses dans leur contexte : Dexter, médecin légiste pour la police de Miami, est ce qu’on peut appeler « un psychopathe ». Dexter est dépourvu de sentiments ou n’en a que très peu, il tue souvent et de manière méthodique et est extrêmement asocial. Mais à la différence de Joe, Dexter tue ou punit des criminels. Je ne tiens absolument pas à justifier les actes de Dexter mais ses actes étaient plus méticuleux et intellectualisés, comparés à ceux de Joe. Comme Joe, Dexter tuait par pulsion, mais on peut néanmoins le qualifier de « Robin des Bois criminel », ne tuant que des criminels. Le cas de Dexter imbrique aussi une logique peut être plus subtile, un cadre scénique aussi plus adulte (univers policier, très criminel et langage plus que vulgaire) et surtout plus cru et littéralement moins sexy que dans You. Les deux personnages ne tuent pas pour les mêmes raisons mais passent par les mêmes canaux : pièces cachées ; théâtralité et mise en scène de l’enfermement de leurs victimes et surtout ce sentiment d’avoir bien fait, avec peu ou sans aucun regret. Les deux personnages ont d’ailleurs tous les deux des traumatismes liés à leur enfance, qui justifieraient leurs pulsions et leur mode de vie.

En quelques mots : Joe et Dexter tuent, punissent mais pour des raisons distinctes, nourries par l’égoïsme ou un soi disant amour à sens unique ou un sentiment de supériorité faisant que Dexter par exemple se sente en position de punir. Le succès de You peut aussi dépendre du contexte chronologique et surtout du support. Je doute que si Dexter était sorti aujourd’hui sur Netflix, la série aurait eu un succès aussi énorme que celui You, pour les raisons évoquées dans le paragraphe au-dessus. Mais il est indéniable que You marche autant pour cette part d’ignorance que l’on a face aux personnages incompris et surtout réduits au silence, capable du pire et se déjouant du système. Là où Dexter est plus de moyens de tuer ou d’agir car étant au cœur du système criminel et policier, le cas de Joe sensibilise et interpelle sûrement plus pour son côté « monsieur tout le monde » banal, arrivant à s’intégrer et masquer sa nature.

CONCLUSION

Pour finir, je doute quant au fait de continuer You, puisque la série connaîtra bien une 4ème saison. Ayant fini la saison 3, je me demande comment Joe pourrait à nouveau se « réinventer » car la série emprunte un chemin plein de redondances et de banalités, partie pour durer mais avec une histoire de moins en moins solide comme sa consœur Riverdale.

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Peace !!!

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