Clichy La Garenne : une ville en proie à la gentrification ? (Reportage)

Image personnelle à l’argentique

Le sentiment de départ de cet article est tout simplement la vue de notre balcon. Cette vue que j’affectionne depuis mon enfance, qui au fil de ces 5 dernières années s’est assombrie. Au total à ce jour du 16 juillet 2021, on compte plus d’une trentaine de grues à perte de vue, dans un périmètre de 10 km, s’étendant de St Denis à Paris 17ème. Avant ça, mes frères et soeurs éprouvions déjà une certaine amertume personnelle.

Sur une note plus personnelle, j’ai 24 ans et cela fait 17 ans que j’habite à Clichy. En ces 17 années, j’ai vu la ville se transformer, des améliorations ou dégradations, Clichy la Garenne est indéniablement en pleine mutation.

Pendant 2 ans, âgés de 10 à 14 ans, mes frères et soeurs et moi attendions dans le froid à notre arrêt du 341 à 7h10, notre bus pour nous rendre à notre collège. Entre un arrêt de bus où il est à l’heure actuelle toujours impossible de connaître les horaires, des retards intempestifs et des bus donc irréguliers, notre scolarité fut très impactée. Le hic que je tiens à soulever dans cet article est qu’aujourd’hui Clichy est multi-desservie et surtout en plein boom. Et cette amélioration ne serait-ce qu’au niveau tertiaire ne semble qu’être adressée à une certaine partie de la population.

J’ai donc choisi, accompagnée de ma soeur et de mon cousin, de parcourir la ville qui nous a vus grandir. Allant à la rencontre d’anciens et nouveaux commerçants, de travailleurs administratifs et surtout, à la rencontre des Clichois. Grâce à ces jours d’enquête et discussions aux quatre coins de la ville, nous avons récolté une quinzaine de témoignages, divergents entre la situation actuelle de la ville, quant à son présent et son futur.

QU’EST CE QUE LA GENTRIFICATION

Photo personnelle

J’ai maintes fois abordé le phénomène de la gentrification dans plusieurs de mes articles, mais sous le prisme de la culture via des productions cinématographiques telles que The Last Black Man In San Francisco (2019) et dernièrement Gagarine (2020). Le mot gentrification vient du mot « gentry », signifiant petite noblesse. Le phénomène de la gentrification est théorisée par la sociologue britannique Ruth Glass dans les années 1960, pour parler du changement de Londres. Mais son utilisation en France est très récente. La gentrification serait, je cite : « les transformations de quartiers populaires dues à l’arrivée de catégories sociales plus favorisées qui réhabilitent certains logements et importent des modes de vie et de consommation différents ». Comme je l’avais dit dans l’article sur The Last Black Man in San Francisco, la gentrification c’est avant tout un remplacement d’une population dite plus populaire par des arrivants plus aisés. C’est grosso modo le bar du coin remplacé par un Starbucks, le bistro du quartier balayé par une franchise de fast-food, c’est l’épicerie exotique rayée de la carte pour y mettre un magasin de vélos. Mais c’est surtout l’arrêt d’une mixité socio-économique, d’un amas de constructions à tout va et bien sûr une hausse des loyers.

Dans le texte « Mixité sociale ou chasses aux pauvres », Metello Benci, Yahia Camara et Adeline Marceau parlent de cette gradation de bouleversements qu’engendrent la gentrification : « Les nouveaux habitants restaurent l’habitat physique et rehaussent le niveau de vie. Ils peuvent alors faire pression sur les pouvoirs publics pour améliorer le quartier en demandant des mesures pour diminuer le bruit, accroître la sécurité, détruire les logements populaires au profit d’autres plus haut de gammes (…) Les prix du foncier augmentent alors et chassent les classes inférieures vers des quartiers périurbains, excentrés et souvent mal desservis par les réseaux de transport. La gentrification peut être alors perçue comme une forme de ségrégation, favorisant l’absence de mixité sociale. L’intérêt de ce concept est de mettre l’accent à la fois sur la dynamique des divisions sociales de l’espace et sur la complexité de leur agencement, entre changement social et changement urbain ».

« Moi quand j’entends mixité sociale normalement je me dis qu’on veut faire des logements sociaux pour faire que la population soit un peu plus mélangée on va dire entre des gens qui ont des moyens et d’autres qui en ont moins. Mais dans le cadre de Clichy je pense que cela veut dire l’inverse »

M.Degroux

De ce fait, Clichy La Garenne répond bien sur le papier à cette mutation démographique et immobilière. Mais on comprend qu’avec la gentrification, il y a des personnes convaincues et d’autres non.

DES MUTATIONS POUR LE BIEN COMMUN ?

Photo personnelle. Image du vrac Lagom dont je salue la propriétaire

Lors des entretiens, une scission palpante s’est faite ressentir. Sur les 15 personnes interrogées, seules 4 ont affirmé être en accord avec le changement total de la ville sur tous les plans. Bachir a avoué apprécier le renouveau de la ville. Le jeune homme a ressenti une belle évolution du vivre ensemble venant des habitants, je cite : « Moi : « Est ce que vous avez des attentes en tant que Clichois envers la ville, envers le maire » – Bachir : « Je sais que la plupart des Clichois sont contents de Clichy quoi, tout est fait pour eux ».

Lors de notre enquête, nous avons rencontré de nouveaux arrivants comme Sigrid. La jeune femme d’origine belge nous affirmait peu connaître la ville mais avouait son plaisir futur à la découvrir. Sur les 4 interrogés, le côté culturel primait et ainsi une possible ressemblance à Paris en terme d’attractivité. Une interrogée nous affirmait que depuis l’arrivée du nouveau maire, la ville est en train d’éclore mais qu’elle attendait encore plus, je cite : « Il y a encore des améliorations mais je pense qu’elles sont prévues, ce qui a changé pour moi à Clichy c’est l’ambiance générale sereine, sécurisée voilà. J’ai une fille qui est une jeune adulte et je la laisse circuler en totale confiance pas plus qu’ailleurs ».

Il faut avouer que tout n’est pas mauvais dans ces changements. L’aspect culturel de la ville l’a rendue plus attractive et on peut petit à petit se passer de Paris en terme de restauration ou sorties culturelles comme le précisait la précédente interrogée, vivant à Clichy depuis 16 ans : « Les espaces verts on en a jamais trop mais bon c’est vrai que moi en 15 ans j’ai vu naître par exemple le Parc des Impressionnistes il existait pas avant, qu’est ce que j’ai vu en 15 ans…ben les terrasses c’est génial ça fait 2 ans maintenant il y a des terrasses un peu partout. Le soir ça permet aussi d’avoir un peu confiance aussi parce qu’il y a du monde, on se sent bien voilà ».

quelques MEFAITS DE LA GENTRIFICATION

Photo personnelle

Le point de départ principal de cette mutation de la ville est le changement de bord politique. En 2014, Clichy est passée à droite. Après plus de 20 années sous la direction de Gilles Catoire, l’arrivée de Rémy Muzeau s’est faite sentir. Avec le grand projet du Grand Paris, Clichy connaissait déjà des secousses démographiques et économiques. Entre la construction du tramway T3b, la longue extension de la ligne 14 jusqu’à St Ouen ou encore le Palais de Justice, Clichy était en passe de devenir un nerf névralgique du nord de Paris comme Levallois ou encore Saint Denis. Entre les démolitions successives d’immeubles et d’entreprises emblématiques comme L’Oréal, une police plus sévère et ultra présente ou encore l’apparition de magasins dits plus « artisanaux » comme un fromager ou un autre sommelier, il est évident que la ville prend de plus en plus l’allure d’un 11ème ou 4ème arrondissement de Paris. Ces nouveautés commerciales sont intéressantes mais répondent surtout aux attentes d’une nouvelle population. Il est sûr intéressant d’avoir des commerces divers et spécialisés mais ils existaient déjà. Si de nouveaux apparaissent et avec eux, une fourchette de prix peu abordables, on comprend que les anciens Clichois ne sont pas la clientèle visée.

Une jeunesse essouflée

Célia jeune diplômée s’est exprimée sur l’augmentation du coût de la vie. La jeune femme ne projette pas de commencer sa vie d’adulte à Clichy, je cite : « Sinon moi la ville en elle même ne me dérange pas mais je sais que je ne pourrai pas rester, si je commence à travailler, je pourrai pas rester là, c’est trop cher. Après c’est vrai qu’on est pas mal niveau transports, on est proches de Paris et on a tout ce qu’il faut c’est plus pratique qu’à Gennevilliers par exemple. Mais après pour une jeune personne, un jeune adulte, c’est dur d’habiter tout seul ici ».

Tout comme Célia, une autre interrogée plus âgée, a plus radicalement exprimé l’éviction en cours d’habitants plus anciens et moins aisés dans les quartiers nord de la ville. Avec l’apparition de nouvelles entreprises ou de logements privés, les anciens habitants subissent une hausse progressive et parfois soudaine de leurs loyers : « Des constructions ont commencé, des petites résidences, qui ne sont même pas accessibles à la location. C’est plus de l’achat et voilà tout le monde n’a pas les moyens et les possibilités. Et on a constaté qu’aussi beaucoup de familles moyennes quand elles déménagent sont envoyées ailleurs. Je connais deux trois familles qu’on a réorientées vers Saint Ouen. Dès que l’on peut on essaie en fait d’éloigner, en quelque sorte, de chasser les familles à revenus moyens (…) Donc ça commence et je ne pense pas que ça va s’arrêter là, VOILA ! ».

L’éducation et le social passent progressivement en arrière plan

Sur les 15 personnes interrogées, 7 personnes ont évoquées le basculement politique étant en cause de l’évolution de la ville. Parmi les plus jeunes interrogées, Erine et Inès ont toutes les deux évoquées l’arrivée de la ligne 14 ou encore un effacement du mobilier urbain, je cite : « ll n’y a plus de bancs, IL N’Y A PLUS DE BANCS. Il y avait des bancs sur l’avenue Claude Debussy et on pouvait s’asseoir avant » – Erine. Souvent quand le mobilier urbain disparaît, cela laisse prétendre l’envie d’une municipalité de durcir la mobilité des habitants et notamment celle des sans-abris. Ici encore, ce phénomène est visible dans le quartier des Berges de Seine, quartier multi-culturel, aux populations mixtes allant de la classe populaire aux cadres et loin du centre ville. Les quartiers populaires semblent être la cible de cette disparition du mobilier au fil des années, comme l’expliquait cet article du Bondy Blog, nommé « le tout sécuritaire contamine jusqu’au mobilier urbain » dans la Cité Michelet Paris 19ème.

Une autre problématique est souvent revenue lors des entretiens de façon spontanée : la place des enfants. Ayant moi même été à l’école primaire et au lycée à Clichy, j’ai été stupéfaite par les témoignages des parents interrogés. Des écoles surchargées et vieillissantes ainsi qu’une promiscuité sanitaire ont souvent été dénoncés de la part des mères de familles interrogées. Une énième preuve que le côté social et surtout éducatif est passé à la trappe. Bérangère, habitante de Clichy depuis plus de 10 ans, a rappelé le manque de moyens injecté pour les enfants de la ville, je cite : « j’ai un enfant en école primaire publique et on voit qu’il y a pas beaucoup de moyens qui sont mis dessus. Si j’ai un message à faire passer ce serait celui là ».

Il en est de même pour Elise* qui côtoie la jeunesse à longueur de journée et qui a témoigné la baisse des moyens flagrants employés pour le social dans les services de la ville : « C’est beaucoup moins solidaire qu’avant, moins populaire. Il y a plus de commerces inabordables du coup les gens que je connais moi d’il y a 20 ans, ils ont les mêmes moyens que moi et on a pas forcément à Clichy des lieux où on peut aller. La population a changé et je préférais la solidarité qu’il y avait avant (…) Il n’y a plus d’espaces verts, on est trop les uns sur les autres, trop de monde, pas assez de prestations pour tout ce monde je trouve que quand même pour une aussi grosse ville, il y peu de moyens envers déjà la jeunesse, envers les enfants, dans les écoles. Les écoles les prestations des écoles, je trouve qu’il n’y a pas assez d’écoles ».

Si les enfants de la ville sont négligés, c’est aussi une nouvelle génération qui part avec des infrastructures et une éducation fragilisées, tout comme leur bien être. Ces témoignages ne sont pas anodins puisqu’au fil des années, de multiples grèves ont eu lieues jusqu’à très tardivement.

UN CAS À PART : LE COMBAT DES RIVERAINS DE LA RESIDENCE DES BATELIERS

Dans cette partie, j’aimerais parler d’un cas immobilier et social qui est une preuve flagrante du balayage socio-économique en proie dans la ville. La résidence des Bateliers, se trouvant en face du célèbre collège Jean Jaurès, constitue un ensemble de bâtisses qui ont toujours fait parti de ma vision de Clichy. Au fil de ces 2 dernières années, des affiches murales sont apparues sur les balcons des habitants, des affiches qu’on ne peut ignorer en passant aux abords de la résidence. Ces affiches et banderoles sont signes d’un mécontentement et surtout d’un combat. Les riverains de la résidence, plus de 160 personnes, se sont constitués une association afin d’éviter la construction autour de leurs résidences, de nouveaux immeubles plus modernes et surtout privés. Ces 5 constructions ont été approuvées par la mairie, puis en juin 2021, grâce aux actions des riverains, le projet a été suspendu mais pas abandonné.

Il faut bien comprendre que la densité de la résidence est déjà très faible et que la construction de ces nouveaux immeubles paraît pour la surface entourant la résidence, presque risible et absurde. Pour mieux comprendre le combat des riverains de la résidence Bateliers, je me suis entretenue pendant plus de 20 minutes avec M. Thierry Degroux, à la tête avec sa femme, de l’association Bateliers Antonini en place depuis 2019. Lorsque j’aborde la gentrification comme sujet majeur de mon enquête M.Degroux affirme ne pas vouloir rapprocher son combat et la particularité de sa situation, à ce phénomène. Mais il est évident que le combat des résidents pour une réhabilitation et une non construction est très proche du problème :

Moi : « La première fois que l’on s’est rencontrés vous ne vouliez pas vraiment parler de gentrification mais là je vois que vous l’avez dit vous même. Vous pensez que Clichy s’inscrit maintenant dans ce processus de gentrification de façon générale ? »

M.Degroux : « Oui je pense que ça se situe dans ce processus oui. Alors j’en parle pas trop parce que c’est politique et on veut éviter que notre combat soit trop politique parce qu’il y a des gens de différents bords, même du bord à Muzeau, qui ne soutiennent pas ces constructions, mais qui soutiennent Muzeau donc il faut pas se séparer de ces soutiens dans ces combats donc ce n’est pas ce que l’on met en avant ».

En dehors de Clichy, M.Degroux a aussi abordé le phénomène de constructions prenant place dans les villes de la petite couronne de Paris. Avec le projet du Grand Paris, Clichy n’est qu’une énième ville parmi tant d’autres à subir ces mutations. L’autre aspect de cet afflux de constructions est l’écologie. Le réchauffement climatique qui sévit de plus en plus autant en Europe qu’en Australie ou en Côte d’Ivoire, n’est pas à prendre à légère. Lors de notre entretien, M.Degroux l’a naturellement abordé car les constructions en négociations autour de sa résidence viendront encore plus asphyxier et densifier le quartier :

« On dit qu’il ne faut construire aucun bâtiment. Ils nous font pression sur une éventuelle hausse de loyers et sur le fait de ne pas réhabiliter si l’on ne construit pas. La hausse de loyers je pense que de toute façon on l’aura, rien n’empêchera qu’ils la fassent, de toute façon ils auront construit les bâtiments et réhabilité. De toute façon ils vont monter les loyers, ce qu’ils font déjà pour chaque nouvel arrivant, les loyers sont déjà plus importants que les anciens donc de toute façon rien ne les empêchera à n’importe quel moment de pouvoir augmenter nos loyers et faire pression sur nous. Donc on ne leur fait pas spécialement confiance sur le fait… puis de toute façon c’est pas acceptable de construire des bâtiments aussi proches, aujourd’hui c’est vraiment un contre courant. On sait qu’il va faire de plus en plus chaud dans les années à venir, même maintenant il y a des étés qui sont plus chauds donc plus il y a de bâtiments plus on est emmurés et plus la chaleur va être importante.

Alors les bailleurs nous les vendent comme étant une chance, ils nous disent qu’il y aura des murs végétalisés, qu’il y aura des toits végétalisés. Dans les nouveaux bâtiments souvent on voit ça comme ça, mais en réalité ça représente très très peu de verdure, des minuscules arbres, donc c’est pas ça qui va empêcher la chaleur d’arriver ni donner de l’espace à la nature. Dans notre résidence il y a quand même des oiseaux, c’est quand même assez agréable d’avoir des petits coins comme ça ».

Quand l’on sait que Clichy était en 2019 la 7ème ville la plus dense de France (Levallois était la première), au vu des nouveaux immeubles privés ayant pris place dans la ville, Clichy devrait maintenant se trouver dans le top 5. Avec cette densité urbaine, ce manque d’espaces verts et une concentration automobile forte, Clichy devrait devenir petit à petit un nerf des débats quant au bien être de ses habitants et du vivre ensemble urbain.

LE DÉPART COMME SOLUTION ULTIME ?

Trottoir à proximité de la résidence des Bateliers

Enfin sur les 15 personnes interrogées, la moitié a contemplé le départ. Face à la transformation et à la tendance économique et sociale que la ville prend, les anciens Clichois ne sentent plus à leur place. À plusieurs reprises, des interrogés ont qualifié Clichy d’ancien « village » ou de ville populaire et les changements que la ville subit depuis ces dernières années ont sûrement dénaturé l’atmosphère sociale. Un autre point est à relever : en réécoutant les témoignages, une frontière s’est dessinée entre les nouveaux Clichois et les anciens. Les nouveaux habitants sont pour la plupart satisfaits de la ville et semblent vouloir y rester vivre pour encore quelques temps. Tandis que les anciens Clichois se résignent dans la majorité à partir dans un futur proche. Les anciens Clichois interrogés venaient souvent de provinces ou de banlieues plus lointaines de Paris. Clichy était souvent une opportunité de se rapprocher de la capitale, d’habiter dans une ville pas trop chère, afin de travailler et démarrer leurs vies. Aujourd’hui le phénomène d’arrivée/exode urbain se répète mais à l’envers. Les nouveaux arrivants sont plus aisés, les nouveaux tarifs immobiliers s’accordent à leurs revenus, Clichy peut paraître moins chère comparée à Paris et les opportunités fleurissent à nouveau. Les deux phénomènes d’exode rural et exode urbain se rencontrent et la ville tend à peine à satisfaire les besoins de ces habitants, dans leurs totalités.

« Je compte partir de Clichy parce que après ça fait longtemps que j’y vis. Paris, Clichy, Paris, au bout d’un moment ça devient lourd mais ça ne sera pas pour maintenant. Mais si je devais attendre un changement de la ville de Clichy je dirais que le maire devrait aussi regarder toutes les populations et demander l’avis de tout le monde et pas forcément privilégier une certaine classe de population. Après c’est bien les changements mais il faut aussi prendre en compte les gens qui étaient là avant et qui ont aussi leurs histoires sur Clichy et leurs vies »

Sabrina

Anne, jeune retraitée, dénonce l’insalubrité regnant dans la ville et qui envisageait aussi de partir pour le Sud pour entamer sa retraite. Anne a aussi énoncé ce manque de familiarité et cet aspect village qu’elle ne retrouve pas dans la ville. Des plus jeunes aux plus âgés interrogés et anciens Clichois, le départ pour une ville ou un endroit plus lointain et plus vert est une solution qui s’impose.

M.Degroux et moi avions abordé cette possibilité lors de notre entretien. Pour M.Degroux, quitter Clichy est totalement compréhensible mais aussi une triste finalité : « On a tous envie d’un peu de campagne. La région parisienne est très intéressante parce qu’on peut avoir l’accès culturel, on a les écoles pas loin, on a tout un tas de trucs très intéressant et puis ça nous empêche pas non plus d’aller en campagne, en province pour faire tout un tas d’autres choses. Mais ouais, il y a une pression pour partir et on peut pas non plus céder constamment. Je ne sais pas si un jour je cèderai ou pas ou dans 10 ans ou 20 ans mais actuellement ce n’est pas du tout mon avis. Je suis bien avec les gens de Clichy, du quartier que je connais. Je trouverai triste de céder, voilà. Mais je comprends que d’autres cèdent et qu’ils se disent qu’ils vont vivre ailleurs ».

Ici encore le départ s’inscrit dans la lignée de la gentrification. Entre la peur d’un futur incertain, un coût de la vie exponentiel, des quartiers perdant des commerces historiques ou des endroits délaissés car vieillissants ou vus comme non essentiels par la municipalité, l’action de partir n’est dans l’esprit que des anciens habitants, des habitants éduqués et de classe moyenne qui ont construit leurs vies dans cette ville et qui devront bientôt la quitter parfois sous contrainte.

POUR CONCLURE

J’aimerais conclure cet article en remerciant les personnes qui ont accepté d’être enregistrées et qui ont pris le temps de répondre à mes questions. Merci à mes amies d’enfance Inès, Célia et Erine, merci à Bérangère, Anne ou encore M.Degroux et les personnes anonymes qui ont beaucoup contribuées à ma compréhension des enjeux politiques dans lesquels Clichy s’inscrit. Vos témoignages sont précieux et nécessaires. Et c’était un honneur de les avoir recueillis et j’espère en avoir fait bon usage.

Mais surtout j’aimerais remercier ma soeur Christa et mon cousin André qui m’ont accompagnés et soutenus pendant ce mois d’enquête.

Enfin, je conclus en espérant que cet article touchera avant tout des Clichoises et Clichois, mais aussi des personnes de villes voisines, de toutes origines sociales et économiques. Je ne veux pas faire dans le sentimentalisme mais il était pour moi essentiel d’aborder cette question de manière humaine et critique avec les outils analytiques et scientifiques à ma portée.

*Prénom modifié

Lunaticharlie.

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https://www.bondyblog.fr/societe/dans-les-quartiers-populaires-le-tout-securitaire-contamine-jusquau-mobilier-urbain/

Benci, Metello, Yahia Camara, et Adeline Marceau. « Mixité sociale ou chasse aux pauvres ? », Spécificités, vol. 6, no. 1, 2014, pp. 108-124.

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