
Le film sud-coréen, sorti le 8 juillet 2020 en France, est une vraie bombe de réalisme. Lucky Strike en français met le doigt sur beaucoup de maux de la société coréenne ou tout simplement de nos sociétés modernes et individualistes. Réalisé par Kim Yonghoon, Lucky Strike lie narcissisme, violence et vengeance. Un thriller dramatique qui n’oublie pas de nous faire rire même dans le drame.
PETIT TOPO

Le film prend place à Séoul et ses environs. D’entrée on nous présente plusieurs personnages, avec leurs vies semées d’embuche. Mais le mojo principal de leurs problèmes : l’argent. Ce sont tous des adultes, hommes et femmes ayant entre 20 et 40 ans. Jung-Man (joué par Bae Seong-Woo), un homme de ménage dans un sauna, vit avec sa mère exécrable et sa femme elle aussi femme de ménage dans un aéroport. Sa femme Young–Seon (jouée par Jin Kyeong) et lui rencontrent de sérieux problèmes financiers. Jung-Man va un jour trouver un sac rempli de billet, dans un casier du sauna. Ce sac est la clé du film. Nous avons ensuite, Tae-Young (joué par Jeong Woo-Seong), un homme dans la quarantaine, solitaire et célibataire, il est employé à l’immigration. Et il est lui aussi endetté et au près d’un homme véreux et très sarcastique Doo-Man (joué par Man Shik-Jeong). En effet, Tae-Young s’est retrouvé à la charge de la dette de son ancienne compagne Yeon-Hee.
On nous présente ensuite, une jeune femme prostituée ou escorte, nommée Mi-Ran (jouée par Shin Hyun-bin). Mi-Ran vit avec son mari qui la bat et la rabaisse. Elle lui doit apparemment une grosse somme d’argent. De part et d’autre, Mi-Ran travaille pour le compte de Yeon-Hee, sa proxénète. Je ne sais pas si vous voyez les liens se dessiner. Les personnages du film se retrouvent relier par coincidence ou à cause de leurs dettes communes. Leurs choix et jeux dangereux les mèneront chacun et chacune à commettre des actes irréparables moralement et physiquement. Comme dans les films du célèbre réalisateur Wong-Kar Wai, dans Lucky Strike nous faisons face à une toile d’araignée, ce fameux mind gapping, où des personnes se trouvant dans une même ville vivent les mêmes quotidiens avec les mêmes problèmes, à des échelles différentes. Néanmoins, ce qui change dans Lucky Strike, ces personnages vont à un moment se retrouver et malheureusement, se faire du mal et s’entretuer. Car la seule chose qui compte est l’argent.
LA VIOLENCE COMME MOTEUR SOCIAL




La violence est belle et bien le curseur du film. Verbale comme physique et mentale. On la voit, la ressent à travers l’écran de cinéma. Cette violence, chaque personnage y fait face et en est même acteur et actrice. Ces coups bas, ces homicides entre partenaires est incroyable. Plusieurs scènes du film sont surréalistes. Mais une histoire reste très dramatique : la relation entre Yeon-Hee et Mi-Ran, la proxénète et la prostituée. Mi-Ran voulait tout d’abord arriver à se débarrasser de son mari. Par chance ou contre temps, arrive ce mystérieux client chinois, Jin-Tae (joué par Jung Ga-ram), de qui elle s’entiche. Elle établit son plan avec Jin-Tae afin de pouvoir vivre leur « histoire » d’amour tranquillement et surtout riche, grâce à l’assurance vie, que la jeune escorte percevra. Le plan ne marche pas comme il faut. Mi-Ran passe en un éclair d’une jeune femme peu sûre et désespérée à cette femme à la personnalité noire. L’un des pics de cette violence reste la conversation entre les deux femmes, lorsque Mi-Ran se verra obliger de tuer son amant. Le traitement du jeune immigré chinois que la proxénète décrira comme un sous être dont la disparition n’alertera personne. Cette conversation reflète les échelles de valeur assimilées des nationalités dans la société sud coréenne et surtout de la xénophobie. La jeune prostituée finira par recueillir l’argent de l’assurance de vie de son mari, mais à quel prix?
Le film présente une société sud-coréenne et citadine en proie à l’individualisme et à la quête suprême de l’argent. Bien sûr Yee-Hee n’était pas là pour faire amie-amie avec son employée prostituée. Elle la tuera d’aussi tôt. C’est ici qu’on entrevoit réellement les mécanismes du film. Chaque chapitre du film est symbolisé par cette tâche de sang se refermant. Car à chaque chapitre, un personnage meurt. Le sang est cet elixir qui fait tourner le film. Le sac de billet se fera trimballer de personnage en personnage. Il provoquera une course contre la montre, à celle ou celui qui sera en sa possession. Ce qui m’a le plus interpellé dans le film, comme dans Parasite (2019), c’est que les films coréens touchant l’international, dénoncent le mal-être de la société sud-coréenne. Un mal-être qui tourne foncièrement autour de l’argent et du statut social. Le film est aussi spécialement dénonciateur de la place des femmes dans en Corée du Sud. Le pays est depuis quelques années, constamment dans la tourmente médiatique. Des polémiques de la NTH ROOM, ce réseau de prostitution pédophile touchant les hautes sphères. Des violences conjugales ou à la simple misogynie et sexisme ambient dont le film regorge. encore les multiples suicides de jeunes adultes, prisonniers de la pression sociale gigantesque et de la dépression. Lucky Strike cristallise tous ces maux sociaux actuels et les tournent en dérision sans les adoucir.
LA VISÉE
Le fin mot de l’histoire reste que le bien finit parfois par payer. Presque que tous les personnages du film ont semé le mal et la mort, parfois la leur, pour ce sac Louis Vuitton remplit de billets. Finalement et par chance, le sac s’est retrouvé dans les mains de la seule personne simple et modeste, n’ayant jamais blessé ou trahi, la femme de ménage, Yeong-Soon. Le titre français a peut-être comme volonté de signifier que les bonnes personnes finissent par être récompensées, même après une vie pénible. Lucky Strike est un film génial, à couper le souffle grâce à ses dialogues, son casting, ses plans et sa morale. Un film à voir absolument.

Lunaticharlie.
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