
La série culte des années 50, qui a été de multiples fois reprise au cours des 4 dernières décennies, a été réadaptée par Jordan Peele, réalisateur des films Get Out (2017) et Us (2019). Et ce, pour notre plus grand plaisir. La saison 1 qui est sortie en avril 2019, est juste excellente. Dans un premier temps, pour son casting mixte et très talentueux mais surtout pour les dynamiques et les enjeux abordés dans chaque épisode. J’écris donc cet article pour me focaliser sur 4 épisodes qui ont le mérite de transcender l’écran tant graphiquement que psychologiquement.
EPISODE 1 : THE COMEDIAN (L’HUMORISTE)
Le premier épisode de la série, appelé The Comedian nous met directement dans l’ambiance. Il nous présente un comédien nommé Samir Wassan (joué par l’acteur Kumail Nanjiani). Samir a pour ambition de devenir un comédien de renom et va plusieurs fois par semaines, essayer ses blagues devant un public intransigeant et d’habitués. Néanmoins, les blagues de Samir « trop sérieuses » font rarement mouvoir le public. Un soir au bar Samir rencontre l’un de ses modèles comédiens J.C Wheeler (joué par Tracy Morgan). Wheeler l’invite à se dévoiler un peu plus sur scène et de toucher avec ce qu’il a de plus personnel en lui. Samir va donc au fil de l’épisode appliqué ce conseil. Et plus il sera salace et parlera de sa vie, ses problèmes et même de sa copine et plus le public appréciera. Samir se rend compte que les blagues intellectuellement poussées ou même politiques, ne font rire que peu de personnes. Une blague sur une chien ou l’humiliation d’une personne à qui il tient à coeur, a bien plus d’effet. À force de déballer ses drames aussi absurdes qu’ils soient, le comédien finit par se perdre. Concrètement, il perd la notion du temps et une partie de lui-même disparaît après chaque sketch. Ainsi que toutes les personnes qu’ils aiment comme sa copine Rena (jouée par Amara Karan). Le comédien finira par disparaître après une longue et intense élocution cathartique. La morale de l’épisode est belle et bien les distances que les comédiens doivent prendre concernant ce qu’ils racontent et dévoilent. Mais surtout, que l’humour et ses codes sont aujourd’hui moins ancrés dans l’intellect mais plus dans l’humour brut, direct et instantanément compréhensible. Quoi de mieux que de rire de ses problèmes que d’aborder les maux de ce monde.
EPISODE 3 : REPLAY
L’épisode 3 nommé Replay est purement génial même s’il est très triste. Nina Harrison (jouée par l’actrice Saana Lathan) accompagne son fils Dorian (Damson Idris), à sa rentrée d’université. La mère et le fils s’arrêtent en chemin pour déjeuner. La mère toute contente de son fils, sort sa caméra un peu ancienne. Elle actionne sa caméra pour reculer l’enregistrement. Mais la caméra recule le temps selon l’intensité actionnée. La mère prend conscience de ce qu’elle vient de faire. La mère et le fils partent du restaurant. Dorian conduit et pour s’amuser, décide de sortir la caméra. Malgré le fait que sa mère lui demande d’arrêter, le jeune continue. Et malheureusement, ils se font interpeller par un policier, qui déjeunait dans le même restaurant qu’eux. Le policier questionne le jeune étudiant, qui est déjà stressé et énervé. Le jeune homme admet avoir conduit trop vite.
Le policier demande si il y a des armes présentes dans la voiture. Mais rien à part la caméra. Lorsque le policier voit la caméra, il prend peur et demande de l’éteindre. Avant que les choses s’échauffent, Nina rembobine la caméra et repart au moment du déjeuner. On comprend que l’épisode se base sur l’évitement de la mort injuste du fils d’une femme noire et donc d’un homme noir. Nina essaiera plusieurs fois d’échapper à ce funeste destin mais le policier comme conditionné et hypnotisé par la mère et le fils, fera tout pour les arrêter en chemin. Au final, grâce à l’aide du frère de Nina, la mère et le fils s’en sortiront indemne. Mais le chemin sera long et fastidieux. Cet épisode appuie sur le racisme institutionnel souvent sensible au sein de la police. Il met aussi en avant le profilage racialiste intempestif et agressif à l’encontre des personnes noires même lors de délits mineurs. Mais surtout et au vu de l’actualité et des dernières années, l’épisode prime sur la solidarité entre noirs américains, sur le patrimoine et les terrains souterrains laissés par les esclaves noirs. L’épisode est un électrochoc fantastique du traumatisme que beaucoup de mères noires peuvent expérimentées : la mort d’un fils tué par la police et qui ne pourra pas réaliser ses rêves.
EPISODE 5 : THE WUNDERKIND ( LE PRODIGE)
L’épisode 5 est l’une des perles de la série. Un communicant et manager de campagnes politiques d’excellence, Raff Hanks est en perte de vitesse. Un jour, dans un bar en compagnie d’une de ces associés, l’homme est frappé par une idée après avoir vu la vidéo d’un enfant sur la télé du bar. Cet enfant de 7 ans déclarait vouloir se présenter aux élections présidentielles. Une vidéo très absurde, que Raff prend bizarrement très au sérieux. Raff prend contact avec les parents de l’enfant, d’abord dubitatifs, ils trouvent finalement un accord et but commun. Oliver Foley (joué par Jacob Trembley), jeune enfant affrontera des adultes et des adversaires quitte à subir l’humiliation télévisuelle. Raff a une fois de plus rater son coup. Mais quand il apprend que le jeune garçon est sur le point de perdre son chien malade, il revient à l’attaque. Et ça marche. Qui peut en vouloir à un petit garçon pleurant son chien ? Le jeune garçon grâce à ses pleurs et l’apitoiement, devient président des États Unis. Cet épisode risible mais incroyablement surréaliste est une satire très intelligente et tactique du président actuel des États Unis. Oliver le petit garçon une fois à la maison blanche devient exécrable et ne prend pas conscience du pouvoir et de son statut. Cela est un peu normal, c’est un enfant. Il ordonne et s’attend à ce que tout lui soit donné, en temps et en heure. Il est incorrigible et impatient. Oliver est tout simplement une personnification de Donald Trump. Raff finira par le prévenir mais l’enfant prendra ses conseils comme un affront à son autorité, touché dans son égo. Cet épisode est noir mais très réaliste. Il montre surtout que n’importe qui peu accéder à la présidence et pas seulement aux États Unis. Oliver peut légèrement rappeler l’attitude du président français. Le petit Oliver est déconnecté de la réalité et des enjeux internes et externes de son pays.
EPISODE 7 : NOT ALL MEN (PAS TOUS LES HOMMES)
À droite, Annie Miller (jouée par Taissa Maiga et sa soeur jouée par Martha (jouée par Rhea Seehorn). Images Pinterest et Google.
L’épisode 7 de la série nommé « pas tous les hommes » est sensationnel. Une jeune journaliste Annie Miller (jouée par Taissa Farmiga) est invitée par un de ses collègues Dylan (joué Luke Kirby) pour regarder une pluie de météorites, chez lui. La jeune femme est enchantée. Le soir du rendez-vous venu, le patron tente une approche mais la jeune femme décline ses avances. D’un coup, le patron rentre dans une colère monstre, presque surhumaine. La jeune femme part totalement désespérée. Le lendemain, Annie se rend fêter l’anniversaire de sa soeur Martha (jouée par Rhea Seehorn) en compagnie du mari de sa soeur Mike (joué par Ike Barinholtz), le fils de sa soeur Cole et d’amis. Le repas se passe, le gâteau arrive quand soudainement un cri provenant de l’extérieur interpelle les invités. Ils sortent voir et voient le voisin dans la nuit noire dans son jardin, énervé par une fuite d’eau, une eau qui semblerait contaminée. Cette eau rougeâtre contaminée par les météorites extraterrestres, est la source des multiples énervements soudains. Mais seuls les hommes semblent en être victimes. Annie comprend très vite que le problème n’est que masculin lorsque son beau-frère tente aussi de l’attaquer. Sa soeur et elle sont maintenant dans une ville assaillie par des hommes en colère à un niveau apocalyptique. On découvre que cette folie contagieuse peut être mentalement maîtrisée, lorsque que le neveu d’Annie, Cole (joué par le jeune Peter Hynes) pourtant contaminé se bat contre ses pulsions de colère.
Cet épisode via la météorite et l’eau contaminée, délivre comme messages l’absurdité de la masculinité toxique que les hommes exercent contre eux mêmes et contre les femmes. La majorité des hommes de l’épisode sont rentrés dans des colères noires car ils se sont vus repousser leurs avances. Ou alors la plupart des bagarres étaient futiles, comme un mauvais sketches. Mais les hommes ne pouvaient s’empêcher de se battre. La météorite comme canal d’exemple, m’a fait penser aux analyses anthropologiques de Françoise Héritier dont son livre plus communément appelé » Masculin et Féminin I, la pensée de la différence » 1996. La célèbre anthropologue a démontré que dans la majorité des sociétés humaines, l’homme/le masculin sont associés à tous les éléments « positifs » : le soleil, le jour, le sec. Tandis que la femme/le féminin sont rattachés au froid, la pluie ou encore la nuit(la lune). Cette valence diffère d’une culture/société à une autre. Néanmoins cette valence prévaut en Europe et ce depuis l’Antiquité. Et cet épisode applique totalement cette valence et la renverse. Dans l’épisode, les femmes sont les seules personnes sensées et qui ne cèdent pas à cette contagion brulante. L’épisode est un bel clin d’oeil à la réalité de nos sociétés et les cases attribuées à chaque sexe. Dans l’épisode le masculin est rattaché à la brutalité et cette soif sanguine pour la violence et le féminin à l’assurance et l’analyse. L’épisode est un miroir direct de la brutalité masculine présent dans nos sphères sociales et même virtuelles. Et il appelle les hommes à ne pas toujours tomber dans les comportements et rôles sociaux qui lui ont été assignés.
ENFIN…
J’espère vous avoir donné envie de regarder la série et les autres épisodes qui sont tous aussi géniaux. Chaque épisode a sa propre histoire comme beaucoup de séries surnaturelles et de science-fiction en vogue et sa propre synergie et morale. À chacun et chacune de se faire sa propre idée. The Twilight Zone reste une série qui respecte totalement son titre : elle mêle la réalité et ses nombreux univers dont le cocktail diffère selon les choix des Hommes.
P.S : la saison 2 arrive cet été.
Lunaticharlie.
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