

17 janvier 2020 minuit et quelques, je suis en train d’écouter le nouvel album du DJ et producteur anglais Mura Masa appelé R.Y.C (Raw Youth Collage) et je n’ai pas pu échapper aux similitudes musicales et à l’ambiance mélancolique de l’album. Me remémorant l’album de l’artiste Kid Cudi sorti en décembre 2015, nommé Speedin Bullet 2 Heaven, un album inspiré par le rock et peut être l’un des plus personnels de l’artiste de Cleveland , qui avait été décrié par la majorité des critiques musicales lors de sa sortie. Retour sur cet album et sur l’influence qu’il a pu avoir sur celui de Mura Masa.
Speedin Bullet 2 Heaven

Lors de sa sortie, comme beaucoup de ses fans, j’étais très impatiente. M’attendant à un nouveau projet de Kid Cudi qui allait encore me réjouir, je suis restée déconcertée. Dès la première écoute, je n’ai pas compris. Plus j’avançais et plus je comprenais que le thème de l’album serait bien le rock. Speedin Bullet 2 Heaven est noir, triste et amer. Kid Cudi semble y exprimer son incompréhension, sa tristesse, ses pensées noires, tout simplement son mal être et sa dépression. L’année suivante, il annonce dans un message Facebook qu’il se fait interner pour addiction, dépression et pensées suicidaires.

Dans Confused, sur une ballade rock intense, le chanteur semble se vider, en vouloir au monde entier, exprimant sa confusion de la vie en générale, une chanson peut être cathartique pour l’artiste, les auditeurs ont aussi sûrement ressenti l’émotion qui se dégageait de la chanson. Dans Trauma, sûrement l’un des sons les plus noirs et tristes de l’album, le chanteur exhorte ses souvenirs les plus douloureux comme la découverte du cadavre de son père à 11 ans ou la mort d’un de ses amis 4 ans plus tard, je cite :
« When I was eleven I saw my dad’s corpse
Innocence lost, hanging on the front porch
How do I deal?
I saw my dad’s corpse
When I was fifteen I saw a friend’s corpse
Innocence gone, love and a blowtorch
How do I deal?
I saw a friend’s corpse on the way to school »
Dans Handle with care, une chanson douce, se distinguant des autres chansons de l’album, l’artiste sur une ballade folk et une mélodie légère, utilisant un effet vocal laissant croire qu’il s’agirait d’un message enregistré sur une radio ou autre appareil, se laisse aller, montrant une part de fragilité, qu’il est un être très sensible et à fleur de peau.
R.Y.C

L’album de l’artiste britannique Mura Masa commence avec le son Raw Youth Collage qui nous plonge directement dans l’ambiance. Le DJ s’exprime sur une musique à mi-chemin entre la pop bucolique et une mélodie rock rapide et entraînante. On ne distingue pas la voix du producteur mais il parle sur tout le son, comme un message crypté. Le son suivant appelé No hope Generation, commence avec la phrase « I need help » (j’ai besoin d’aide). Le son dénonce clairement l’abandon que ressent l’actuelle génération (Mura Masa a 23 ans), le refrain semble rappeler la tendance pré-apocalyptique, le conspirationisme gagnant la jeunesse et un futur possiblement sans issu, je cite:
« Everybody do the no-hope-generation
The new hip sensation craze sweeping the nation
Gimme a bottle and a gun
And I’ll show you how it’s done
And if you look real close
You’ll see it’s all a joke »
Pouvant rappeler d’anciens sons d’artistes tels que la chanteuse P!nk ou le groupe Fall out Boys ou encore le groupe The All-American Rejects, tous issus de la scène pop-rock des années 2000, des artistes qui à l’époque se distinguaient par leurs vidéos humoristiques et satiriques décriant les maux sociaux, sociologiques et surtout médiatiques de l’Amérique. Dans Vicarious Living Anthem, le DJ exprime son envie de devenir quelqu’un d’autre et de ne plus vivre seul ici (à cette époque?). Certains sons de l’album rappellent l’identité électro et dance du producteur anglais comme Live like we dancing, un brin de chanson romantique invitant à danser et à ne soucier de rien d’autre. Néanmoins, l’album vogue sur une vague rock et parfois hardrock.
QUE POUVONS NOUS EN CONCLURE?
Les deux albums se répondent à près de 5 ans d’écart. Les deux artistes aux vies différentes en tout point ont malgré tout réussi à produire des albums similaires, peut être dûs à des ressentis personnels similaires. En proie à la tristesse, la colère et l’incompréhension, les deux projets s’inscrivent dans une possible future tendance musicale, pas forcément joyeuse.
Kid Cudi, l’un des artistes les plus applaudis de sa génération par l’ensemble de la communauté musicale rap et rock surtout « underground », a inspiré de nombreux artistes de la nouvelle génération tels que les rappeurs Travis Scott ou Jaden Smith . Avec son album Man on the moon sorti en 2009, le jeune artiste a réussi à imposer son univers cosmique peu commun et singulier. N’ayant jamais surfer sur les clichés du rap, il arrive tout de même à rentrer dans la case de rappeur sans vraiment l’être. Ovni de la musique, ses albums ne sont pas tous en clin à la tristesse, l’album Indicud sorti en 2013 est sûrement l’un des plus « joyeux ». Mais suivi de Speedin Bullet 2 Heaven, l’artiste comme beaucoup d’autres, utilise sa musique comme journal intime sans filtres, ce qui lui a permis de gagner l’intérêt de milliers de fans s’y retrouvant, comme lors de thérapies musicales. Dans la tristesse comme dans le bonheur, l’artiste reste vrai.
Mura Masa, près 10 ans de moins que Kid Cudi, n’a jamais vraiment exprimé une certaine amertume sociale ou personnelle aussi explicite dans sa musique, ce qui m’a le plus choqué en écoutant son dernier album. Considéré comme un prodige de la scène électronique et hip hop anglaise, cela fait près de 7 ans qu’il s’est fait connaître du public. Ses clips ont toujours mis en avant la jeunesse anglaise surtout londonienne de classe moyenne et populaire. Ses chansons tournent autour de l’amour et l’espoir, des sentiments tout à fait normaux. Mais R.Y.C se démarque de tout ce qu’il a pu faire. La noirceur, le désespoir dans son dernier projet se ressentent et l’album s’inscrit dans une nouvelle vague « émo » (pour émotif, émotionnel) incarnée par beaucoup de jeunes rappeurs nous ayant quitté récemment tels que XXX tentacion ou Juice WLRD ou un peu plus âgés comme le rappeur de Miami, Denzel Curry.


La réapparition de cette tendance émotionnelle et dépressive, pouvant être passée sous silence par des personnes plus âgées, ne doit pas rester invisible. Au delà de l’aspect musical, la résurrection de l’emo dans le rap et dans les musiques urbaines peut amener à parler des problèmes mentaux et psychologiques auxquels les artistes font souvent face, dans le silence et ce qui parfois leur ramènent un jeune public, touché par les mêmes problèmes comme la dépression ou l’addiction à l’alcool et/ou la drogue. Le rock et le hard rock, moteurs d’émotions vives et fortes, utilisés par des rappeurs peuvent évoquer les émotions ressenties par les artistes eux-mêmes.
Au final, Kid Cudi et Mura Masa, tout comme Lil Wayne avant eux, ont utilisé le rock comme canal d’expression émotionnel. Kid Cudi reste l’un des seuls artistes urbains à avoir assumé ses problèmes mentaux et qui a fait face à l’amusement de certains autres artistes tels que le rappeur canadien Drake. Reste à savoir si le rock sera donc la nouvelle tendance musicale comme l’étaient la trap ou l’afropop dans les années 2010. Mais surtout si des discussions sur les maladies mentales et le mal être touchant de plus en plus les jeunes générations pourront enfin s’ouvrir.
Lunaticharlie.
R.Y.C est disponible depuis minuit sur Spotify et autres plateformes.
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Un commentaire sur “Le rock, nouvel échappatoire artistique de cette décennie?”