Oui j’ai enfin plongé dans le tordu mais passionnant univers de la série Succession. Et bien sûr, je n’ai pas été déçue et j’ai ÉNORMÉMENT de choses à dire sur plusieurs plans. Pur produit des studios américains HBO, la série dont la dernière et quatrième saison est en cours, fait l’effet d’une bombe émotionnelle et télévisuelle. Comme d’habitude, je reviens entre quelques parties sur des éléments essentiels de la série !
Mais que se passe-t-il dans la tête de Logan Roy ? Un tyran des temps modernes

Des ordures hyper libérales on en a vu et revu dans des fictions mais Logan Roy coche sûrement toutes les cases de la Triade Noire. Égo surdimensionné, apathie extrême ou alors changeante selon l’interlocuteur et surtout la situation…Le magnat des affaires milliardaire, à la tête d’une multinationale et ne se déplaçant qu’en jet privé et 4×4, est la personnification de tout ce qu’il y a d’humainement plus mauvais. Raciste, sexiste à l’image du monde très endogamique qu’il a toujours connu et qu’il continue de nourrir. Logan a un caractère exécrable criant à longueur de journées aux gens de « Fuck off » que ça en est risible. Pourtant tout le monde le craint, ainsi que ses propres enfants. Logan Roy symbolise cette Amérique conservatrice, new-yorkaise mais à la fois aussi très loin des valeurs puritaines et traditionnelles qu’il tient à véhiculer (lorsqu’on observe son mariage). C’est une véritable contradiction à lui tout seul. Et ce bazar se ressent dans la gestion de sa fortune et de son entourage.


Sa famille est son tableau de jeu psychologique et son socle de destruction massive. Plus les saisons avancent et plus le personnage ne cesse de nous épater dans la méchanceté et le narcissisme. Macho et fier, le directeur général de Waystar Industries tient en vieux aigle à ne pas faiblir et léguer son entreprise à ses enfants, tous plus traumatisés et torturés les uns des autres. N’importe quelle faiblesse chez une personne devient un avantage pour le grand patron. Bienvenue dans la vie d’un octagénaire à la santé extrêmement fragile et s’érigeant en Dieu des médias, rejetant le monde actuel tout en ayant conscience de ses enjeux.
LES ENFANTS ROY : DES BLESSURES HUMAINES VIVANTES


Succession est un véritable champ de bataille émotionnel où chaque personnage essaie de tirer son épingle du jeu afin de survivre et garder sa fragile place dans le monde des affaires et de la super élite new-yorkaise. L’équipe proche de Logan ou même son ex-femme mais surtout ses enfants : Connor, Kendall, Shiv et Roman, sont de véritables traumatisés ambulants, admirant et détestant à la fois leur père. On comprend vite au début de la série que leur mère n’est aussi q’un pion et surtout une mère émotionnellement indisponible et très manipulatrice, à l’image de son ex-mari. Et les enfants, des adultes d’âge mur, en sont juste des purs produits de cette union et environnement.
De Connor, aîné et demi-frère mal-aimé au syndrome de Peter Pan, tentant chaque minute de gagner l’amour de son paternel et de ses frères et soeurs. En passant par Kendall sûrement l’un des personnages de fiction le plus misérable que j’ai eu à voir, qui tient absolument à prendre les reines de l’entreprise à en oublier son état mental et surtout le machiavélisme de son père. Roman, un énergumène et moulin à paroles insensées, tête à claques, préféré et pantin de papa. Et enfin Shioban dite Shiv, la cadette et seule fille tantôt aimée tantôt mise de côté, souvent victime de misogynie et d’agisme comme une grande partie des femmes de la série.


Il semble qu’aucun des enfants de Logan Roy ne soit réellement stable intérieurement et dans la vraie vie. Il y a plusieurs éléments qui reviennent dans la série quant à leurs vies et comportements : la grande difficulté à créer des liens amoureux et affectifs, aucun d’entre eux n’arrive à être dans une relation ou un mariage « normé » ou « normal », à vrai dire à aucun moment on ne montre réellement leurs vrais amis ; l’acerbité et la violence verbale : est-ce qu’ils s’aiment et s’écoutent vraiment ? Car peu de paroles sympathiques sont prononcées entre eux voire même dans toute la série en toute honnêteté. Les personnages n’aboient plus qu’ils ne se parlent, l’anxiété est à son paroxysme en permanence. Les émotions fortes négatives sont vite balayées et mises sous le tapis. Dans ce monde où l’argent est censé régler tout malheur ou problème, la série est un gigantesque rappel que non et que les ultra riches ne sont pas épargnés. Et qu’ainsi les grands patrons hommes comme femmes ne se sont pas construits en étant sympathiques et compréhensibles.
DES ULTRA RICHES qui TRAVAILLENT EN NE FAISANT pas grand chose


Le luxe et le privilège d’assister à des évènements mondains ou mariages en Italie tous les quatre matins. La série montre inlassablement des milliardaires se faisant la guerre pour des miettes de parts ou un héritage dans une luxure décomplexée. Les séries new-yorkaises montrant des familles richissimes blanches ce n’est pas nouveau : de « Revenge » à « Ugly Betty » ou encore « Gossip Girl », les vingt dernières années en ont été riches. Mais Succession arrive à créer cette atmosphère hyper cynique et austère, très Wall Street gore, où les dialogues sont alambiqués et où le champ lexical de la finance ou du management fait partie de chaque phrase. On doit vite rentrer dans le moule et jeu de la famille Roy où les réels problèmes sont le manque d’attention ou d’essence pour l’hélicoptère et surtout les personnes lambdas, pauvres et non blanches. On passe d’un pays à l’autre en quelques heures, on parle quotidiennement avec le président ou encore on paie des personnes « du peuple » pour les faire taire car présentes « au mauvais moment et mauvais endroit ». Dans Succession, la folie des grandeur est la réelle gagnante, en dehors du psyché des personnages tout roule comme par magie, grâce aux réels employés inconsidérés et tout simplement invisibilisés, n’ayant pas leurs places dans ce monde au top de l’Olympe, où on ne fait pas grand chose à part donner des ordres, manipuler et faire la fête pour assurer son statut.


Les réels employés ou bras droit de la famille, vrais souffres douleurs, essayent tant bien que mal de naviguer entre une famille de privilégiés et d’assistés et ses demandes démesurées, les attentes des employés ou clients et leurs vies personnelles. Succession est un abysse visuel dans le microcosme de l’élite puritaine américaine de la Grosse Pomme, le mythologique 1% invisible mais qui pourtant fait la pluie et le beau temps de la politique et culture américaine voire mondiale. On est les observateurs d’une immense partie d’échecs avec un roi avare tenant les dernières ficelles de son royaume, des enfants hyper privilégiés sans jamais avoir eu à travailler et voulant détrôner leur paternel et un cercle de professionnels et proche de la famille désabusé et tentant de faire face à toutes les épreuves inter et intra familiales, réels chiens de garde à la fois craintifs mais aussi totalement asservis.
Petite dernière partie explicative comportant un ÉNORME spoiler :
En réaction à l’épisode 3 de la saison 4, un épisode clé de la série car le grand Logan Roy meurt et cette fois-ci pour de bon ! Certains éléments dont les tenues très sobres des enfants et surtout celle de Shiv, totalement habillée en noir pour le mariage de son frère, pouvait laisser presager un évènement funeste. Était-ce juste un acte désintéressé de la sœur, prouvant son profond désintérêt pour son frère ou un easter egg de la production pour annoncer la mort du patriarche ? Un autre sujet est à relever : la grande sensibilité et surprise des enfants à l’annonce de la mort de Logan Roy, une mort qui s’est faite en plusieurs étapes. L’épisode s’assombrit au fil des minutes tout comme le mental des enfants. Après des années de maltraitance psychologique, humiliations et autres fourberies, il était choquant de voir autant de pleurs pour cet homme surtout venant de ses enfants. Et à vrai dire, on remarque que seul Roman est réellement touché par cette mort, les trois autres ont plutôt vite assimilé et repris leur sang froid. Et enfin, une mise en scène spectaculaire pour la mort du grand patron et peut-être la partie clé de l’épisode : le fait qu’on n’aperçoive à aucun moment le corps ni même le visage entier de Logan Roy en réanimation ou lorsque son corps est transporté. Le suspens nous tient en apnée et au final on arrive pas à croire sa mort, après des saisons montrant pourtant la détresse physique et psychologique du père. Comme une entité presque divine, le montrer mort aurait été trop « gros ». C’est extrêmement théâtral et cela fait aussi douter les spectateurs. C’est un épisode incroyablement bien orchestré, où le casting et surtout les enfants alternent de façon anticipée entre les étapes du deuil car ils doivent ENFIN assurer et sûrement prendre les reines de l’entreprise. On peut indirectement dire que la série commence réellement maintenant !
La série fait l’effet d’un tourbillon de violences multiples, c’est un concentré de tout ce qu’il y a de plus satirique et de l’humour noir, avec au final des personnages qui suffoquent essayant d’être des individus surmédiatisés fonctionnels.
Lunaticharlie
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