Un article sur Queen & Slim, ses symboliques et les violences policières

Cela fait plusieurs jours que je cogite concernant l’écriture de cet article. Ayant toujours été active sur les réseaux sociaux pour relayer les drames et injustices raciales, je tenais donc absolument à écrire sur ces évènements qui alimentent grandement l’actualité occidentale et même mondiale. Je voulais le faire à ma manière, à travers une oeuvre artistique consciente et ayant regarder Queen & Slim quelques jours avant les grandes manifestations, je me lance enfin dans l’analyse de ce film important, dont les symboliques font écho et enfin dans une dernière partie, j’essaierai de juxtaposer le film aux évènements de ces dernières semaines, voire même de ces dernières années.

UN FILM AVEC UN FOND TRAGIQUE MAGNIFIÉ PAR SA FORME VISUELLE

Le film réalisé par l’honorable réalisatrice Melissa Matsoukas, était dans un premier temps décrit comme un « Bonnie and Clyde » noir. Mais le film va au-delà du mythique film américain. Le film qui devait sortir dans les salles françaises en février 2020, est ancré dans l’actualité plus qu’autre chose. Il met en exergue deux personnes, une femme noire nommée Queen et un homme noir nommé Slim. Le film débute sur la rencontre de ces deux individus, un rendez vous amoureux qui semble un peu raté. Sur le chemin du retour, Queen et Slim se font interpeler en voiture par un policier pour une infraction routière basique. L’arrestation simple se finit en un contrôle de police musclé. Les voix s’élèvent même si les deux connaissances obtempèrent. Lorsque Slim s’apprête à ouvrir son coffre, le policier pointe son arme sur lui. Les deux hommes se battent et Slim tue le policier accidentellement. Queen se prend une balle dans la jambe. La caméra frontale de la voiture du policier a tout filmé. Les deux connaissances prennent conscience de la gravité de la situation. Et Queen, pourtant avocate, décide qu’ils doivent fuir. Ici commence une épopée de plusieurs jours vers le Sud Est des États Unis. Sur leur chemin, le binôme devront de se cacher, abandonner leurs familles. Grâce à des contacts comme l’oncle de Queen, ils trouveront certains moments de répit mais seront continuellement dans une course contre la montre. Une course pénible et infinie.

Au final, le couple apprendra à se connaitre pendant cette cavale. Une histoire d’amour complexe naîtra lors de cette fuite. Le couple presque arrivé aux portes de leur liberté se verra trahi par un autre homme noir qui était pourtant décrit comme un allié. Ils se feront abattre froidement par une multitude de policiers. Le film offre malgré tout un visuel agréable et une technique filmique presque artistique. L’accent est mis sur la couleur des peaux foncées, sur les éléments naturels ainsi que sur les couleurs d’ambiances. Mais le film n’est pas parfait et a quand même des défauts : l’appel au casting du film est très négatif, stigmatisant les personnes noires foncées. C’est un film qui base encore le « black love » sur la lutte et la souffrance. Et les deux fugitifs se doivent de renoncer à leur identité afro-américaine capillaire pour se fonder dans la masse. Sans oublier la scène de sexe vraiment mal placée. J’invite les anglicistes à regarder la vidéo de l’excellente Youtubeuse américaine Chrissie « I saw Queen & Slim & You Won’t Like My Review » pour comprendre beaucoup de défauts du film malgré ses bonnes intentions avancées.

UNE FICTION REPONDANT À LA RÉALITE DES PERSONNES NOIRES

Au cours de leur épopée, Queen et Slim représentaient des figures emblématiques pour certains et pour d’autres personnes même noires, ils étaient de simples criminels. Bien sûr qu’ils ne sont pas entièrement innocents mais le policier les ayant arrêté ne l’était pas non plus. Queen and Slim donne ce mince échappatoire à des personnes noires qui n’en n’auraient pas eu dans la vraie vie. S’ils s’étaient rendus à la police suite au drame, ils auraient été droit en prison et auraient écopé de peines grandes judiciaires expéditives. Le film dépasse le tragique, il propose une porte de sortie fantasmée mais souvent empruntée dans l’histoire carcérale par de grands criminels. Si Queen et Slim ont fui, c’est que même à moitié fautifs, leurs vies se seraient arrêtées. Ils ont tout simplement répondu non à leur damnation.

Mais avant tout, le film permet de mieux comprendre le système judiciaire américain et même français. Le profilage intempestif de personnes noires et issues de minorités arabes, maghrébines, latinos et asiatiques par la police ; les nombreuses morts étouffées suite à de nombreuses arrestations ; la traîtrise d’autres personnes parfois considérées comme parentes ou encore la solidarité dans les communautés noires. Dans la vraie vie, leur cavale se serait sûrement vite arrêtée ou le couple n’aurait peut être pas fui. Mais leur fuite n’est pas finalement si choquante. Car face à la police et la justice, peu de personnes noires même innocentes, en sorte non incriminées et libre de leurs droits et mouvements. Dans le film, la révolte est étroitement caractérisée par la fuite. À la fin du film, Queen et Slim sont des figures modernes de protestations. Dans la vraie vie, les bavures policières bien sûr ne donnent pas lieues à de nombreuses fuites. Dans la vraie vie, des personnes noires meurent sans avoir répondu. Elles meurent à cause de leur couleur de peau, une couleur noire qui cristallise la peur au quotidien, une peau noire qui renvoie à une histoire raciale toujours pas digérée et à des origines extra-occidentales qui ne sont toujours par acceptées tant en France qu’aux États Unis sociologiquement, politiquement, médiatiquement et juridiquement.

Depuis des siècles et décennies, les corps noirs et non européens sont méprisés par les Etats européens et même dans des pays à forte ou à majorité noire comme le Brésil ou l’Afrique du Sud. Depuis des décennies, les personnes noires sont tuées impunément, certains meurtres sont passés sous silence et les policiers en question ne sont pas punis. Les familles endeuillées se retrouvent démunies et font souvent face à une justice servant l’intérêt de la police. Zyed et Bouna en 2005 en sont l’exemple en France comme beaucoup d’autres personnes mortes sous les coups de la police. Ou encore la mort d’Adama Traoré en 2016. La mort tragique de l’américaine Sandra Bland détournée en suicide en 2015, la vie prise de la jeune Breonna Taylor l’année dernière et celles d’innombrables femmes noires. La mort de jeunes et de nombreux enfants innocents comme le jeune garçon de 12 ans, Tamar Rice, il y a presque 6 ans. Et surtout dernièrement la filmée et pénible mort de George Floyd, le 25 mai 2020. Des figures intellectuelles et culturelles militent depuis des années pour ces victimes de bavures policières et contre le racisme ambient de Rokhaya Diallo, en passant par Assa Traoré ou Lilian Thuram en France aux réalisateurs Ava DuVerney et Spike Lee aux États Unis. Et aujourd’hui, il est plus que temps que cette impunité de tuer détenue par les polices des états du monde entier, soit détruite.

Avant Queen & Slim, de nombreux films et séries mettaient déjà la lumière sur ces crimes policiers et sur le racisme qu’ils contiennent. Ces dernières années des films comme N.W.A (2015), See You Yesterday (2019) ou le très intelligent film Dear White People (2014) et sa série dérivée, en sont l’exemple. Mais Queen & Slim renvoie un espoir même fictif et appelle surtout à enfin prendre conscience du racisme présent imprégné dans nos pays et leurs sociétés et que plus que jamais, les vies noires doivent enfin comptées et être respectées.

Lunaticharlie.

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