Venant de voir le film sur grand écran, un article était nécessaire. On m’avait prévenu que j’allais l’apprécier et c’est le cas. Produit par le jeune cinéaste américain Trey Edwards Schultz, Waves, au premier abord, nous présente une famille afro-américaine aisée. Mais le film prend une certaine tournure et met en lumière les maux que cette famille traverse.
Une famille un brin « normale »


Le film débute sur un couple d’adolescents joyeux, insouciants, en pleine escapade automobile. Il fait beau, ils sont beaux, la scène est agréable. Tyler et Alexis représentent le parfait petit couple du lycée. On découvre Tyler, jeune sportif, pratiquant la lutte. Son père Ronald est le cliché du père travailleur et stressé voulant le bien de ses enfants et sa famille. La mère de Tyler (belle-mère), Catharine est une femme occupée professionnellement mais affectueuse avec ses enfants. Et enfin la soeur de Tyler, Emily est une jeune fille tout à fait normale et sans un brin de personnalité particulier. La seule ombre est le père de Tyler. Très strict voire trop strict, la famille vit dans un climat stressant mais structuré. Tyler, en dernière année de lycée enchaîne soirée sur soirée et entraînement sur entraînement. Le film s’assombrit lorsque Tyler, poussé par son père et l’excellence, se voit contraint d’arrêter la lutte et le sport.
Le début d’un cauchemar sans fin


Tyler cache à sa famille ses problèmes physiques et continue sa vie sportive. Jusqu’à ce qu’il perde un combat, avec son père et sa mère dans le public. Déboussolé et vaincu, il n’a vraiment plus le choix de renoncer pour de bon. Cette mise à pied fait basculer Tyler et sa famille dans un monde un peu plus sombre. Tyler qui trouvait sûrement toute son estime dans le sport et surtout son avenir (bourse universitaire), perd un bout de lui même. Stéréotype typique de l’adolescent invisible, il a joué et s’est brulé les ailes en plein vol. Il sombre et se console dans l’alcool. Pour pimenter un peu plus l’histoire, sa petite amie Alexis aurait du retard concernant ses règles et craint d’être enceinte. Amoureux transits, les deux adolescents inconscients ne parviennent pas à se décider. Tyler déjà affaibli par l’arrêt soudain de sa seule activité, se retrouve face à un autre problème, qu’il aurait pu éviter: une grossesse adolescente. Tyler et Alexis s’éloignent et se déchirent. Comme dans sa famille Tyler se retrouve mis de côté, sans réel contrôle et emprise sur lui-même et son destin. Le couple se rend dans un centre d’avortement mais Alexis finit par ne pas se faire avorter. Mais le coup de grâce est un échange de messages entre les deux adolescents, où Alexis annonce à Tyler qu’elle le quitte et qu’elle garde le bébé.

Tyler tourbillonne, explose dans sa chambre mais ne trouve aucune issue mentale. Le jour du bal, il essaie le tout pour le tout et part voir Alexis. Puni, sa mère l’interdit de sortir, son père s’emmêle. Bagarre et insultes fusent de la part de Tyler envers ses parents. Le jeune homme part. Bourré et torché, il est remplit d’amertume et incompréhension. Sa soeur Emily (la soeur de Tyler) l’aperçoit suivre Alexis mais ne se doute pas de la fin funeste qui va suivre. Tyler et Alexis se disputent, s’insultent. Tyler encore une fois méprisé et non écouté frappe Alexis. Alexis se défend tant bien que mal et essaie de s’échapper. Une dernière insulte envers Tyler et la jeune fille se retrouve à terre des secondes plus tard. La caméra tourne, nous sommes maintenant dans un angle vertical, comme le cadre d’une vidéo tournée sur Snapchat ou Insta. On s’éloigne de la sphère cinématographique et on rentre dans le réel. Le film et Tyler s’arrêtent. Comme si tous les problèmes que Tyler a affronté jusqu’ici étaient mineurs. Alexis est belle et bien par terre, le crâne ouvert,une flaque de sang se forme autour de son crâne. Tyler ne vient pas de tuer une personne mais deux personnes: une mère et un possible bébé. Une fille ouvre la porte du garage et découvre la scène macabre et pousse un cri. Tyler se met aussitôt à fuir. Mais il est rattrapé par la police. En pleurs dans la voiture de police, il comprend qu’il ne pourra plus se relever. Tout comme sa famille. Malgré les mises en garde de son père, au vu de sa couleur et ses agissements, tout est bon pour qu’il ne se relève pas.
La lumière au bout du tunnel

Emily la soeur de Tyler, qui depuis le début du film est spectatrice mutine des déboires de sa famille, se retrouve être la pièce maîtresse de cet enfer familial. Tyler en prison, ses parents se déchirent. Elle est seule au lycée comme chez elle, la jeune fille est muette et abandonnée. Jusqu’au jour où elle rencontre Luke. Leur histoire d’amour rappelle celle de Tyler et Alexis. Mais on se rend bien vite compte qu’ils sont plus modérés et matures. Ils sont jeunes, savent s’amuser sans oublier leur lucidité. En l’espace de quelques semaines, Emily se dévoile et s’affirme. Ballades et voyages, le couple se comprend et s’écoute. Lors d’une énième conversation, Emily apprend que le père de Luke est un ancien toxicomane, qui ne fait plus parti du tableau et est en phase terminale de cancer. Après ses drames familiaux, la jeune fille propose à Luke de rendre visite à son père dans le Missouri, avant qu’il ne soit trop tard et que l’amertume ne le gagne. Ce voyage et cette visite seront peut être la clé pour refermer la porte de ce cauchemar pour la jeune fille. À la maison, Ronald prend conscience que sa fille grandit et s’affirme et comme pour Tyler, il n’est qu’une figure autoritaire et non un père. Au retour d’Emily, le père et la fille s’en vont pêcher. Ils se confient et sous le coup de l’emotion pleure chacun leur tour sur le drame et la tournure de leur vie. Le mal est fait mais il faut maintenant aller de l’avant. Catharine et Ronald se redécouvrent petit à petit. Le film finit sur une Emily pédalant à toute vitesse sur une route lumineuse. Souriante et rayonnante, on entrevoit un brin d’espoir.
Waves ressemble à première vue, à une énième tragédie familiale. Mais le cas de Tyler résonne dans des milliers de foyers. Poussé à bout, lui qui avait tout « pour réussir », s’est brulé les ailes et s’est perdu en chemin. Cas de dépression ou pas, ses excès de colère et ses débordements vis à vis des substances, sont sans rappeler les tonnes de cas similaires dans les séries adolescentes occidentales. Au moindre faux pas, l’adolescent couvé, qui se pense maître ou maîtresse de lui/elle même, trébuche et sombre. De Lucas dans les Frères Scott à Annie et Dickson dans 90210 nouvelle génération, le film montre que le passage à l’âge adulte peut parfois être brutal. Tyler trop conditionné, malgré tout entouré d’une famille et d’une petite amie aimantes, a sombré seul. Par manque de repères et figures constructives réelles, il en paie les pots cassés. En passant, il prive des parents de leur fille et prive ses parents de la sienne. Le verdict rendu au procès de Tyler, qui est la perpétuité, détonne. Ce verdict crie tout au haut la gravité des événements. Mais l’agréable surprise du film est sûrement sa continuité après l’arrestation de Tyler. Je m’attendais à une fin tragique, sans futur. Mais voir le film continuer et montrer le contre coup des évènements, m’a fait comprendre que le film ne s’arrêtait pas au superficiel ni au dramatique. C’était une expérience visuelle, touchante et sensible.


Enfin Waves, grâce à sa captation cinématographique de l’environnement humide et naturel de l’état de Floride, réussit à jouer sur les couleurs et la violente douceur des réalités qui assombrissent les Etats Unis. Comme lorsque Tyler est insulté de sale « nègre » lorsqu’il sort du centre d’avortement avec Alexis. Les manifestants devant le centre rappellent au jeune couple qu’aucune décision n’est finalement entre leurs mains et que l’opinion des autres peut nuire à nos choix les plus profonds et fondés. Grâce aux musiques pendant tout le film, des musiques envoutantes et violentes par leur profondeur , triste ou joyeuse, telles que Ghost de Kid Cudi ou I Am God de Kanye West, le film se montre moderne et réel. Chaque musique est choisie pour une scène précise et la scène répond à la musique comme une conversation. Le jeune âge du réalisateur y est peut être pour quelque chose. Je le remercie pour ces choix et cette oeuvre.


Lunaticharlie.
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