Les films Marvel : entre racisme et sexisme ambiant (Billet)

La question du racisme et du sexisme dans l’industrie du cinéma n’est absolument pas nouvelle. Les actrices, personnes non blanches et appartenant à la communauté LGBT, militent depuis des années pour plus d’inclusion et pour une représentation juste et non édulcorée. Le mouvement #OscarSoWhite, lancé en 2015 par l’activiste américaine April Reign, rassemblait des acteurs et actrices phares américains tels que Jada Pinkett Smith, Don Cheadle, Mark Ruffalo ou encore Viola Davis. Le mouvement dénonçait le manque d’inclusion dans les nommés et lauréats des Oscars. Cette année encore, plusieurs voix se sont élevées, comme celle de l’acteur Anthony Mackie, jouant l’acolyte du superhéros américain Captain America. Dans cet interview, l’acteur appelait à une inclusion sur les plateaux de production lors de la réalisation des films Marvel. En 2020, la question de la représentation multi ethnique et raciale et/ou des orientations sexuelles, est loin d’être finie. On effleure à peine la surface. Dans cet article, j’essaie de mettre en lumière des stéréotypes souvent visibles dans les films Marvel, surtout de ces 10 derniers années.

LE PERSONNAGE SUBALTERNE DU MAGICAL NEGRO DANS TOUTE SA SPLENDEUR

Dans les films Marvel, tout comme dans les films DC, l’inclusivité ou l’inclusion raciale et genrée passe souvent par un absurde placement de personnes non blanches et de femmes, à des rôles seconds, quelque part reproduisants les statuts de la société. Les films Iron Man battent sûrement tous les records. À l’image du personnage principal, la trilogie véhicule des idées reçues du machisme et du sexisme, avec un milliardaire imbu de lui-même, mania de l’argent et des nouvelles technologies et comme Batman, en proie à un but ultime, personnel. Contrairement à Batman, Iron Man semble plus égocentrique et narcissique, même s’il s’agit d’une carapace sociale. Néanmoins, les personnages l’accompagnant sont ici pour le servir et l’aider dans ses aventures. De la Veuve Noire, au bras droit d’Iron Man, War Machine. Le trope du « magical negro » (terme popularisé par le réalisateur et acteur Spike Lee) apparaît à l’écran pour apaiser les tensions et prôner un semblant de mixité ethnique et du genre. Le terme magical negro vise d’abord à mettre la lumière surtout ces personnages seconds noirs, à qui on attribue des rôles réducteurs. Avec le temps, le magical negro peut être une femme asiatique ou tout simplement une personne non blanche, aidant et servant les intérêts du personnage principal, blanc/blanche. En terme de réactivité intellectuelle et cognitive, ces superhéros suprêmes sont presque ubiquitaires : ils voient et savent tous, prévoient le futur et savent comment agir dans n’importe quelle situation. Mais je ne suis pas ici pour vous faire l’inventaire des requis pour être un superhéros. Au final, quand Iron Man, Spider Man (version 2017) ou encore Wolverine brillent et défendent, leurs magical negroes agissent au mieux pour eux, quittes à mourir ou se blesser. Cette aversion au sacrifice pour le bien de son homologue masculin blanc est plus que courante, même hors films Marvel (Bonnie dans Vampire Diairies par exemple). Souvent ces personnages seconds sont autant capables que les héros mais ils ne brilleront que lorsque le héros primaire le décidera donc souvent, par défaut.

LA PASSATION DU POUVOIR DU HEROS BLANC MASCULIN À SON « ACOLYTE » NON BLANC

Une chose revient souvent dans les films Marvel, c’est cette passation du personnage principal à son acolyte. Avengers Endgame (2019) l’a plus que montré. Les scènes finales d’au revoir et de séparation des équipes d’ami(e)s étaient certes tristes, car elles venaient clore des batailles emplies de souvenir et de bravoure. Mais d’un autre côté, ces adieux des héros principaux à leurs acolytes sont aussi symboliques en terme d’échelle sociale et raciale. Celle qui m’a personnellement énervée, assise dans mon fauteuil de cinéma à 3h du matin, est celle de Thor et Valkyrie. Certains trouveront ce transfert de statut symbolique, comme étant une preuve de sympathie et d’admiration. Mais cet échange solennel n’était qu’une énième passation du titre d’héroïne, adoubée par par un personnage primaire. Se faisant, Valkyrie est digne de le succéder, elle est digne de reprendre les règnes d’un monde terrien tout aussi déchiré et en plus, d’Asgard. Il en est de même pour Captain America avec Faucon. Sa passation de pouvoir fait intervenir la notion de l’âge et donc d’un certain respect du droit d’ainesse. Se prenant plus de 60 ans dans l’aine en quelques jours, Captain America ne veut plus vivre dans notre monde et préfère le délaisser à son acolyte, Faucon. Thor et Captain America sont vus en héros suprêmes, prêts à prendre une pause bien méritée. Leurs acolytes reprendront leurs postes et status, mérités car adoubés. Ils en seront sûrement capables mais le problème est comment ils sont parvenus à leurs titres. Ces passations font preuves d’un certain racialisme internalisé. On peut d’un autre côté, être content de voir ces personnages seconds être récompensés pour leurs efforts. D’un côté, on doit s’estimer heureux pour ces personnages seconds mais de l’autre côté, quand on sait qu’il est dur pour un héros et une héroïne non blanc(he) d’avoir un rôle primaire dans les films Marvel, ces passations sont mi-cool mi-énervantes, selon la personne en face.

Des héroïnes comme Storm (Tornade) ou encore Black Widow/Natasha Romanoff (la Veuve Noire) en sont la preuve. Après des années dans l’ombre, Natasha Romanoff aura enfin droit à son propre film. Quant à Storm, personnage phare et essentiel à la saga des films X-men, on attendra sûrement des années avant un film dédié à son histoire originelle et à une représentation réelle de son personnage, qui se doit d’être une femme noire FONCÉE. Les fans des comics clamaient déjà dans les années 90, la volonté de voir une Storm incarnée par une femme noire foncée et pourtant nous voici 30 ans plus tard, avec Storm plus claire qu’elle ne devrait l’être.

LE RECYCLAGE D’ANCIENS RÔLES

Enfin et toujours d’actualité, le recyclage d’anciens héros auxquels on « agrafe » une origine ethnique différente et/ou alors un sexe différent. Miles Morales en est la preuve. Encore une fois, Spider Man : Into the Verse (2018), est l’une des meilleures productions Marvel de ces dernières années. Des visuels au storytelling et à la créativité, le film était objectivement bon et acclamé. Mais ici encore, Marvel a calqué un rôle déjà bien connu à un jeune garçon noir. Il faut savoir que beaucoup des grands superhéros comme Iron Man, Hulk et Captain Marvel, ont connu une version alternative de leur personnage. Dès les années 80 par exemple, Miss Hulk (SheHulk) naissait ou encore en Iron Heart, version alternative féminine d’Iron Man, est créée en 2016. Miles Morales est apparu dans les comics en 2011. Il existait déjà donc dans un univers alternatif. Mais la parution de son film reste peut être tardive et bien sûr, elle répond sûrement à des attentes sociétales et marketing et à une minorité de personnes non blanches lectrice des comics. Les personnes noires, arabes, indiennes, natives américaines, asiatiques, sont présentes au quotidien dans la vraie vie. Demander à ce qu’elles soient représentées dans les Comics et dans leurs adaptations cinématographiques et ce de manière digne, n’est pas exagéré. Des générations de personnes non blanches et non américaines, ont grandi avec les Comics américains. Et les héroïnes non blanches et de couleur dans Marvel, sont peu présentes mais pas rares. Il reste quand même malheureux que malgré des plateaux de cinéma faisant peaux neuves, une diversité visuelle ne se fasse pas sentir. Par simple respect des histoires originelles des comics ou dû à un simple retard sur une société qui bouge et qui dénonce, les films Marvel tardent malheureusement à se regarder en face et briser les stéréotypes du passé.

Au final, des films viennent enfin répondre à ses avancements sociologiques, déjà, concernant la place des femmes dans les films Marvel. La haine que Captain Marvel a reçu suite à l’annonce de la sortie du film, est peut être un signe d’un sexisme sous-jacent de nos sociétés. Ce déferlement de commentaires sexistes fût palpable pour le film Birds of Prey (2020), dont la sortie a été précédée d’un backlash de la sphère des incels et surtout misogyne. Les films DC n’en sont pas moins en avance. Dans les deux maisons, les personnes non blanches et les femmes, arrivent à peine à s’affirmer dans des rôles mobiles et aux personnalités intéressantes. L’annonce récente du film Black Panther 2 et son recentrage sur la soeur de Black Panther, Shuri m’a surprise, attendrie, puis ensuite énervée. La centralisation du personnage de Shuri se fait dans des conditions funestes et tristes mais toujours par défaut, alors que Shuri s’est montrée essentielle pour son royaume et pour son grand frère, Black Panther.

Les stéréotypes, le racisme ambiant et le sexisme dans les films Marvel, qui ont été tout de même majoritairement été créés dans les années 40 à 90, par des hommes blancs américains, restent inexcusables. Une histoire et son personnage doivent évoluer avec le temps. Les acolytes non blancs et les héroïnes doivent dépasser les rôles diminuant leur importance et leur développement. Cet article parviendra sûrement aux « arrêter de vous plaindre et de vous victimiser » et aux « au lieu de vous plaindre, créer vos propres représentations » ce qui vient encore plus le justifier, effacer la dimension internationale de ces films qui se sont toujours inspirés d’autres cultures extra-américaines (initialement de manière stéréotypée) et prouver qu’il y a encore du chemin à faire. Il reste qu’il y a du bon et du mauvais et on espère que les futurs films tendront vers le bon côté.

Lunaticharlie.

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