La série The Handmaid’s Tale : une présentation dystopique et réaliste du futur des Etats Unis ? (ANALYSE)

Dans cette longue attente de la saison 4 depuis près d’un an et sous l’élan d’un devoir universitaire, je me permets cet article sur l’une des meilleures séries que j’ai vu, toutes catégories confondues. La série américaine créée par le producteur Bruce Miller, a débuté en 2017 sur le chaîne américaine Hulu et est adaptée du livre de l’écrivaine américaine Margaret Atwood du même nom (La Servante Écarlate en français). Le livre publié en 1985 et la série, s’inscrivent dans le genre dystopique et dans la science fiction. La série a lieu dans le futur proche, aux Etats Unis, plus précisément dans le Nord-Est américain. Plus familièrement, les Etats Unis sont devenus un micro pays divisé en plusieurs parties et la majorité du pays répond à un nouvel ordre gouvernemental qui se nomme la République de Gilead. Cette République a des règles de vie digne de la fin du XIXème siècle ou digne du mormonisme : aucune électricité, ni appareils électroniques, tout ce qu’il y a de moderne est proscrit. Il y a plusieurs “castes” sociales et les femmes sont les plus touchées et punies. Les dirigeants sont les mieux lotis et les plus aisés. 

La particularité de cet ordre est qu’il se base sur les dogmes de la religion protestante (Ancien Testament) et que les femmes sont totalement asservies et sous contrôle. L’histoire se focalise sur Offred jouée par l’excellente Elizabeth Moss, servante d’une des familles les plus puissantes du nouveau pays, les Waterford. Je veux dans cet article, mettre en relief plusieurs des multiples contraintes et monstruosités que les femmes subissent dans la série. Et comment la série émet un message politique et protestataire à l’encontre de nos sociétés occidentales actuelles et surtout comment elle questionne l’Amérique actuelle et envisage le pire pour son futur.

UNE SOCIETE MISOGYNE DONT L’IDEE VIENT D’UNE FEMME

Serena Waterford jouée Yvonne Strahovski

Dans la série, vous devez savoir que la République de Gilead est une idée politique de Serena Waterford (jouée par l’actrice Yvonne Strahovski). Serena, avant la mise en place de la République était une jeune femme accomplie. Ne se retrouvant pas dans la société américaine, qu’elle ne trouvait plus aussi puritaine, elle a écrit et diffusé un texte de loi qui a été voté dans l’état où elle vivait. Par son entrée en politique, elle tombe amoureuse de Fred Waterford (joué par Joseph Fiennes), qui rejoint totalement ses idées. Fred Waterford finira par être l’un des dirigeants de Gilead et Serena sera reléguée au rôle de femme dans son sens primaire et sans commandements. Ses attentes se tournées contre elle car au final, les hommes dirigent. Le cas de Serena est un rappel direct à la réalité et au fort soutien féminin qu’a reçu Trump lors de son élection. D’après le périodique français La Croix, 42% des femmes blanches américaines ont voté pour Trump, malgré des accusations sexuelles à son encontre et surtout malgré les idéologies qu’il porte en lui. De ce fait, dans les textes de loi portés par Serena, il était inscrit que les femmes seraient classées socialement et économiquement selon les péchés qu’elles ont commis dans leurs anciennes vies. Ces péchés sont : l’adultère, l’homosexualité ou encore l’avortement. Il existe 6 catégories classant les femmes : 

  1. En premier nous avons les Épouses. Les Épouses sont les femmes des dirigeants de Gilead (comme des premières dames). Elle dirigent les foyers et les Marthas
  2. Les Marthas sont les servantes mais de première classe. Elles ne font qu’obéir aux ordres des maîtres et maîtresses de maisons. 
  3. Nous avons les Tantes, qui sont sûrement les plus grandes autorités féminines. Elles distribuent les ordres aux femmes et leur administrent leurs châtiments. Ce sont les gardiennes de Gilead
  4. Nous avons aussi et surtout les Servantes, les personnages les plus importants de l’histoire. 
  5. Il y aussi les Jezebels, qui ne sont que simplement des prostituées. 
  6. Et enfin nous avons les Econofemmes, des femmes travaillant dans les commerces. Elles ne sont pas directement asservies. Elles vivent dans des communautés (ghettos au sens primaire du terme) avec leurs familles. 

Il y a une dernière catégorie de femme, ce sont les Prisonnières. Je parlerai d’elles plus en profondeur dans la prochaine partie. 

LES FEMMES DE GILEAD : MOTEURS DE LA SOCIETE ET MALGRE TOUT LES PLUS DESAVANTAGEES

Offred jouée par Elizabeth Moss. Image : Pinterest

Pour revenir aux catégories citées au dessus, trois attirent particulièrement l’attention : les Jezebels, les Prisonnières et les Servantes. Ces trois castes sociales sont sûrement les plus déshumanisantes : les femmes sont asservies moralement et physiquement. 

Jezebel dont le nom provient d’un personnage de la Bible, était une ancienne princesse phénicienne, considérée comme la tentatrice absolue et détournant les hommes du droit chemin religieux. Dans la série, les Jezebels sont des femmes quasiment à la porte de la société. On leur a attribué leurs places sociales selon les péchés qu’elles auraient commis, comme le péché d’être homosexuelle par exemple. Et elles ont des clients toute la journée. Ces clients, ces hommes ne sont seulement que les maris des Épouses, des hommes puissants, qui trompent sans vergogne. Ces mêmes hommes qui une fois chez eux, prônent la Bible et ses dogmes. Si les Jezebels désobéissent, elles sont envoyées aux travaux forcés, une sorte d’esclavage à ciel ouvert, la plupart des envoyées y meurent car elles sont délaissées et survivent grâce à la solidarité entre travailleuses.

Les Servantes sont manifestement les piliers de cette société. Mais elles ne sont que des machines à reproduction littéralement. Offred le personnage principal, a été désignée servante car elle a commis l’adultère mais elle était “fertile”. Le rôle des Servantes est de reproduire. Leurs vagins sont leur seul motif d’existence. La majorité des Épouses ne peuvent pas avoir d’enfants. C’est là qu’interviennent les Servantes. Les Servantes se font donc violer jusqu’à tomber enceinte lors d’une cérémonie mensuelle qui réunit l’Épouse,et le chef de famille du foyer. Une fois enceinte, leurs enfants leur sont enlevés et on les transfère dans une autre famille. On les a réduit à la capacité primaire d’appareils reproducteurs. Tant qu’elles ne tombent pas enceintes, le processus continue.

Enfin, les Prisonnières sont ces femmes qui ont simplement dit non à ce système misogyne et patriarcal, tout simplement inhumain. J’ai omis de dire que seuls les Etats Unis obéissent à cette République et ses lois. Le Mexique ou le Canada, pays limitrophes, ne sont pas du tout concernés. Et sont donc des destinations échappatoires. Offred, personnage principal de la série représente cette force combative du système. Arracher à son statut de femme moderne et punit sans aucune justice sauf celle de la religion, Offred incarne la révolution. Déjà mère avant la mise en place de Gilead et séparé de son mari qui se trouve au Canada, la jeune tombera enceinte dans des affreuses conditions cliniques et psychologiques voire psychiatrique. Malheureusement, les seuls moments de répit auxquels les Servantes ont droit est lors de leur grossesse. L’enfant est le joyau de Gilead.

UN APARTE POUR LE VISUEL GRANDIOSE

On suit le chemin d’Offred au fil des saisons mais aussi d’autres femmes qui se joignent à sa cause car comme dans tout système construit par l’Homme, celui-ci a des failles. Et la série a su capturer et retranscrire magnifiquement tant dans le scénario que sur le plan graphique, l’histoire et les enjeux qui la dépasse. Malgré les moments d’horreur et de stupeur qui nous tiennent souvent en haleine, je dois faire un parti aparté pour parler de la magnificence du visuel. Les effets spéciaux, les costumes, les transformations de lieux emblématiques comme le Capitol à Washington et surtout la lumière et la performance filmique. Même dans les pires situations à la lumière ou dans le noir, la série nous offre souvent des plans à couper le souffle. La symbolique des couleurs des vêtements, attribuée pour chaque caste sociale qui contraste ; la sobriété matérielle ; les robes rouges en hiver qui brillent dans la neige ; les bonnets blancs comme point de repères dans l’ombre ; la pureté de l’eau dans les scènes aquatiques ; les scènes d’horizon ; le sang qui coule, tout est parfait, rien n’est mis de côté, chaque détail compte. Et c’est ici que la série se distingue, pour sa concordance filmique et scénique. Tout est grandiose.

LA DIMENSION DYSTOPIQUE ET FICTIVE DE LA SERIE QUI RESONNE AVEC LA REALITE

The Handmaid’s Tale est au fil des saisons de plus en plus enclin à la réalité. Le fait que dans plusieurs États américains actuels, il soit interdit d’avorter, pour cause de pression religieuse en est la preuve. Au delà de l’avortement, la série exacerbe les choix politiques et sociaux pris par le gouvernement américain. Donald Trump est d’une certaine manière en train de construire “Gilead”. Depuis le début de sa présidence, les mesures politiques sont moins favorables au multiculturalisme et aux droits sociaux. Le mouvement Me Too né en 2016 a permis de mettre la lumière sur ces agissements monstrueux envers les femmes et sur la misogynie et les impunités sexistes des femmes dans les plus grandes industries mondiales. Des hommes surpuissants abusant de femmes et jeunes filles dans les hautes sphères pendant des années. Le sort des Jezebels rappelle cette impunité. Les Jezebels ne sont que des corps qui servent à assouvir les besoins sexuels des hommes les plus puissants de la société. Dans la série, il y a peu d’onces d’espoir pour les femmes. Aucune justice ne peut les libérer de leur fardeau. Plus tu obéis plus tu seras récompensée. C’est tel un miroir de nos sociétés avec cette omerta qui régnait à Hollywood depuis les années 70 comme les cas de Bill Cosby ou Roman Polanski. Et dans tout ça, tout le gratin hollywoodien était complice. Dans la série, les femmes s’entraident tant bien que mal, mais si elles fautent et se font attraper, elles sont tuées ou torturées, par les Tantes, et par les Servantes elles-mêmes. Les hommes dans la série sont les figures primaires de l’autorité. Gouverneurs ou policiers/gendarmes, ils émettent les ordres, parfois secondés par leurs femmes. 

La série The Handmaid’s Tale est une mise en abîme des pratiques sociales sexistes et misogynes. La série prend place dans un futur proche qui s’inspire du passé et de l’époque post-victorienne. Elle montre que les sociétés occidentales ou occidentalisées ne sont peut être pas aussi ouvertes au progressisme ou tout simplement au respect de la diversité et de la différence. Enfin, concernant le nativisme sensible aux Etats Unis, doctrine xénophobe qui vise à s’opposer à l’immigration, rencontrée dans les pays jeunes originellement peuplés d’immigrants tels que les Etats Unis ou l’Australie, la série montre qu’en tant que femme, personne de couleur ou personne de la communauté LGBT, tout simplement en tant que personne non blanche et non masculine, on rencontre un plafond de verre qu’il est difficile de briser et ce tout au cours de sa vie. 

CONCLUSION


The Handmaid’s Tale est une série d’un nouveau genre. Loin de séries typiques et néanmoins sensibilisantes telles que Desperate Housewives (2004-2012), la série met en avant des femmes et parfois des hommes qui refusent de se laisser écraser et soumettre à un système injuste et discriminant. Le seul manque de réalisme que je peux sentir est que la série ne s’attarde pas sur les problèmes de racisme. Les femmes noires, latinos ou asiatiques sont à “égalité” avec les femmes blanches. Tandis que dans la réalité, les femmes issues des « minorités » sont souvent plus désavantagées sur tous les plans (économique, social et politique). Cela nous donne peut être un éclaircissement sur la norme de Gilead : la république existe pour son élargissement et le but principal est de procréer, peu importe la couleur de la femme qui procrée. On dépasse le racisme et la couleur, l’idéologie est plus globale car les enjeux sont plus grands que n’importe quelles divisions raciales. On est face à une société qui combat les réalités modernes et qui existe grâce au fondamentalisme religieux où l’enfant reste la seule source d’espoir d’existence de notre communauté et de l’héritage culturel et biologique.

Lunaticharlie.

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