The Substance : l’horreur de la beauté

Choquant, brutal mais honnête dans sa critique sociale et sociétale, The Substance (2024) est la dernière claque cinéma. Réalisée par la française Coralie Fargat, le film remet durement en question les diktats de beauté et physique.

The Substance est avant tout la matérialisation d’un combat interne, d’une femme animatrice star, dans la cinquantaine et en perte de reconnaissance. Et ainsi, confrontée à un sexisme et une misogynie exacerbés. C’est une fiction qui décrie la dureté du monde de la télé et des écrans. Et ce, malgré un féminisme de plus en plus inclusif, qui pousse à des représentations moins parfaites, artificielles et plus réelles. Elisabeth, personnage principal du film, est son propre ennemi. Proche de la dissociation mentale mais surtout physique, son conscient varie et se bat contre ce qu’elle veut vraiment : être aimée justement pour ses compétences et sa carrière. Et être admirée pour son physique et sa beauté. On le voit au fil du film : comment l’actrice comprend qu’elle vaut mieux que ça mais qu’elle est aussi son propre bourreau. Loin de son patron aux remarques acerbes et d’une industrie discriminante et sexiste, elle a elle-même intégré ces remarques et ce rejet de soi. Le film est aussi un rappel de la brutalité du machisme mais aussi d’une certaine misogynie inversée. Mettre deux femmes en compétition est un fait récurrent dans la pop culture. Et surtout la méchanceté féminine et contre-productive. On peut penser à Mean Girls (2004) un exemple très populaire de la rivalité féminine et sociale. C’est une extrapolation de la haine de soi. Quelque part, on peut se demander si le film est féministe en voyant ces deux femmes s’entretuer. Mais la fin gargantuesque est un rappel que les femmes ne sont pas le problème. Et que le film est bien féministe. Le problème est global et surtout niché dans le patriarcat, le capitalisme et les diktats de beauté. The Substance met brillamment en lumière comment une femme ou une personne sera plus ou moins vue et respectée selon son âge et son corps. La virulence et la violence auxquelles Elisabeth (jouée par Demi Moore) fait face tout le long du film sont flagrantes. Plus elle rajeunissait et plus son quotidien et ses interactions surtout avec les hommes, restaient certes sexistes. Mais aussi plus douces et tendres.

La scène finale digne d’un remake de la scène de balle humiliante de Carrie (1976), représente une métaphore visuelle. L’explosion de cette boule de chair et de sang, amorphe mais bien humaine, devant toutes ces personnes influentes, qui placent le curseur de l’acceptable devant les écrans, est une fin brutale, traumatique mais légitime. C’est l’apothéose d’une bataille interne tant physique que mentale, c’est le climax de ce que la dysmorphophobie, dans un monde fictif, peut pousser à faire. Le fait même qu’une telle substance puisse être vendue aux Etats-Unis est ironiquement triste mais réel. Au pays du libéralisme accru et parfois non réglementé, la substance trouve totalement sa place pour des âmes en quête d’un bonheur universel : celui d’être aimé et de s’aimer.

Enfin, le film pêche un peu en termes de représentations. Ce qui lui fait vraiment défaut, surtout quand on parle de critiques et normes physiques. La diversité des corps et des couleurs n’est pas au rendez-vous. Essentiellement centré sur le physique d’une femme blanche entre la vingtaine et la cinquantaine jusqu’en fin de vie, donc incarnant encore le standard de beauté. Et ce, partout dans le monde. Parti pris de la réalisatrice ou pas, ce focus sur l’obsession qu’incarne le corps d’une femme blanche, dans un secteur déjà difficilement paritaire et diversifié devant la caméra ou dans les rédactions, pose question. The Substance pousse les spectateurs, à travers le gore, à remettre en question notre vision de la beauté, du physiquement acceptable et du beau. Au final, notre subjectivité en terme de beau ou d’attirance est avant tout construite et polissée tout au long de notre vie. Et les réseaux sociaux, les écrans et les industries liées à la mode ou le cinéma, tendent aujourd’hui à détruire ces mythes du beau régressifs. Mais les normes du passé, on le sait, disparaissent difficilement.

On peut le dire, le film dérange sur tous les points, personne n’en sort indemne. Des personnes dont surtout des hommes sont restés scotchés à leurs sièges après la séance. Le film est une explosion de peur. C’est une réflexion sur notre perception, comment nous voulons plaire aux autres et à nous-mêmes. The Substance est surtout un reflet fictionnel de ce que les normes physiques nous poussent à être et à faire. Le film démontre que la jouvence, le paraître et l’âgisme régissent nos interactions. Ainsi que nos relations. Et surtout, l’importance qu’on accorde à une personne. La substance est juste un moyen de justifier l’horreur de devoir se conformer, de modifier son corps et altérer son psyché.

Le message final du film est, qu’aussi ridicule que ça peut être à lire, que notre beauté est déjà en nous. Ce que nous cherchons souvent à l’extérieur, est déjà en nous ! Acceptons-nous !

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