Comment Solange Knowles est arrivée à créer, s’approprier et décoloniser l’architecture Texane, désertique et campagnarde américaine ?

Voici maintenant 8 ans que Solange Knowles a délivré au monde entier le projet « A Seat At The Table ». Le projet sort lors de la très particulière année 2016. Une année phare pour la musique et artistes « underground » ou alternatifs, issus du rap (« Coloring Book » par Chance The Rapper par exemple) et du r’n’b (« We Are King » avec le projet We Are King). Ou même house (Kaytranada sort son premier album 99,9%). Des projets aux frontières musicales poreuses et fines. « A Seat At The Table » s’inscrit premièrement dans un genre de projets à contre-courant et presque inclassable. Et ainsi, s’est créée une génération d’artistes qui veulent se redéfinir, en bousculant les barrières et genres musicaux établis.



Très acclamé à sa sortie par les critiques musicales, simplement compliqué, niche et universel, « A Seat At The Table » a une singularité et pertinence musicale. Mais dans cet article, on s’attarde sur la délivrance visuelle et les messages derrière les lieux des vidéos clips de l’album. Et donc, leurs symboliques.
Il semble que Solange Knowles nourrit et transmet dans ce projet son admiration pour les arts plastiques, l’architecture et le design. Comme un pèlerinage visuel et architectural, les vidéos de l’album célèbrent des lieux et constructions comme sortis tout droit d’un rêve. Des lieux pourtant parfois précurseurs et s’inscrivant dans le patrimoine local ou national étasunien. Certains étant oubliés ou délaissés, en se les réappropriant, l’artiste envoie un message de résilience et de renouveau, sur les plans matériel mais aussi créatif et physique. Ces lieux sont magnifiés par la musique, les angles et le tout artistique proposé par la chanteuse.


Les scènes des vidéos prenant place dans une grande majorité dans son état natal, le Texas, l’artiste veut nous rappeler la charge historique et culturelle de ces lieux particuliers. Quelque part, « A Seat At The Table » tient à rappeler l’importance de la représentation des personnes noires dans la sphère architecturale et artistique américaine contemporaine. Voire même mondiale. « A Seat At A Table » est une ode aux communautés noires et afrodescendantes. Les monuments choisis ont parfois aussi un lien avec le passé esclavagiste et ségrégationniste du pays. Ils se trouvent à vrai dire dans des états du Sud des Etats-Unis : des Etats comme la Louisiane, où les disparités et les discriminations liées à la couleur sont toujours très fortes. Certains lieux choisis par l’artiste, sont aussi des anciens vecteurs culturels et cultuels de plusieurs communautés et/ou minorités(comme le Chong Hua Sheng Mu Holy Palace, ancien temple taoïste abandonné à Houston). Architectures décolonisées car occupées par des corps et esprits souvent minimisés ou invisibilisés dans ces espaces. Les vidéos de l’artiste semble constituer un voyage initiatique : nous sommes face à une jeune femme qui s’affranchit et se libère de tous ses blocages, immanents ou transcendants. Comme une transe voire une délivrance, Solange Knowles exulte et s’exprime par la danse, touchant presque au théâtre comme pour y laisser son empreinte et son énergie. Elle change les règles du jeu à sa manière.
Touchant à l’Afrosuréalisme, « A Seat At A table » est un ordre à bâtir, à s’affranchir des espaces souvent élitistes par leur grandeur et inaccessibilité. C’est un projet tranchant par le fait qu’il acquiert et transforme les codes de la haute sphère artistique américaine. En permettant à Solange Knowles de s’exprimer, librement, dans des costumes atypiques mais aussi culturels. C’est un bal syncrétique de la culture noire américaine, une fête à se rêver plus loin, plus haut et plus grand que l’on peut s’imaginer. Certaines scènes et images peuvent parfois faire penser à l’artiste Sun Ra. Solange Knowles s’approprie par exemple le désert du Nouveau-Mexique, l’inconnu et en appelant l’univers.


Les vidéos de l’album « A Seat At A Table », sont un mémoriel visuel et sensoriel, où la chanteuse donne vie à des sons, qui se reflètent au travers des lieux arpentés. Aujourd’hui l’artiste continue de se créer son imaginaire dans l’ameublement et le design. Brutalisme, Space Age ou Bauhaus, elle touche à ces modes décoratives tendances et futuristes, tout en y ajoutant son identité et sa créativité. Mais surtout, « A Seat At The Table » est devenu un projet classique et référent pour beaucoup de jeunes femmes noires, créatives, alternatives ou dites trop différentes. De jeunes femmes noires qui jusqu’à maintenant continuent de célébrer l’album, notamment sur les réseaux sociaux.
En somme, « A Seat At The Table » est comme son titre l’indique : une invitation à venir et s’asseoir là on ne nous attend pas. C’est une affirmation à s’affranchir du politiquement correct sous toutes les formes artistiques et culturelles possibles.
Lunaticharlie.
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